L'ETE A COEUR PERDU (Extrait - de Pierre KYRIA)

Publié le 25 février 2008 par Elisabeth Leroy

"Elle accentuait sa fragilité, sa pudeur, sa modestie, en raffinant sa toilette, ne portait plus que du blanc, dénouait ses cheveux sur la nuque, se parfumait de citronnelle. En réponse, il accentuait sa force, tendait les muscles, fermait les poings, retroussait les manches de sa veste pour faire saillir les veines. Elle frémissait imperceptiblement de leurs frôlements dont une assiette à fromage était le prétexte. Elle disait "merci" dans un soupir comme on dit "je t'aime" ; il lui disait "de rien" comme on murmure "veux-tu ?".

Au début, ces échanges n'étaient qu'un jeu, pour passer le temps. Il aimait à tirer sur l'hameçon dont il avait ferré un être, rien que pour voir les sursauts - vanité, timidité, peur, colère - qu'il pouvait provoquer.

(Né en 1938 à PARIS, Pierre Kyria travaille dans le journalisme et l'édition. Il est l'auteur de quelques romans : Manhattan blues - la Mort blanche - Mademoiselle Sarah (prix des Quatre Jurys en 1975) et L'été à coeur perdu - pour lequel il s'est inspiré de ses études dans un collège américain. Il a également consacré un essai à l'écrivain de la Belle Epoque, Jean Lorrain)