Salade grecque sauce ranch

Publié le 21 septembre 2011 par Insideamerica

Il parait que la Grèce est au bord de l’explosion. Lorsqu’au printemps dernier le gouvernement grec annonçait un plan d’austérité de 40 milliards de dollars sur trois ans, des manifestations suivies d’émeutes avaient mis le pays à feu et à sang. Du moins c’est comme ça qu’on le voyait derrière les caméras américaines, toujours attirées par les flammes (il est possible que dans le même temps sur Paros, Naxos et Mykonos, d’autres grecs sirotaient tranquillement leur ouzo). Certains manifestants désespérés se seraient même attaqués à la police à l’aide de projectiles à base de yaourt. Le drame total quoi.

Aujourd’hui, si les voitures ont cessé de bruler et les yaourts de voler, la Grèce reste dans une situation financièrement précaire et politiquement insurrectionnelle. En réponse aux mesures d’austérité, de nombreux grecs ont tout simplement arrêté de payer leurs taxes, comptant sur l’inefficacité des services fiscaux débordés par tant d’insubordination. Avant même son application, le plan de 40 milliards est plombé par le développement à grande vitesse du travail au noir et de l’insubordination fiscale, n’attendant que d’être sauvé une fois encore par la solidarité des autres pays européens.

Pendant ce temps sous le soleil de Californie, les oliviers ont continué de pousser tranquillement malgré 38 milliards de coupes sombres dans le budget de cet Etat au cours des trois dernières années (soit l’équivalent du plan grec pour les trois prochaines années). Les californiens ont regardé placidement s’écrouler leurs rêves d’une université accessible à tous (à défaut d’aide publique, les droits d’inscription des universités californiennes ont doublé depuis trois ans) et égrènent en silence le chapelet des programmes sociaux et investissements publics abandonnés ou réduits à peau de chagrin par les budgets d’austérité successifs. Les espoirs de retraite précoce sont également partis en fumée avec la crise boursière (la plupart des américains disposent d’un plan de retraite en actions très populaire — le 401k — dont la valeur a beaucoup diminué), et la promesse d’une meilleure couverture santé pour tous apparait chaque jour plus fragile, rabotée par les plans de redressement financier du pays. Les taxes quant à elles sont bel et bien collectées, mais n’ont pas été augmentées.

Malgré le chômage qui s’éternise autour de 10% et les restrictions qui le rendent encore plus insupportable, les américains restent incroyablement stoïques face à la crise. En s’éloignant un peu des quartiers favorisés, on voit apparaitre de nouvelles affiches sur les vitrines de supermarchés à la place des promotions habituelles : « we accept food stamps » (nous acceptons les coupons d’alimentation). Un foyer américain sur sept reçoit aujourd’hui des coupons d’alimentation de l’Etat fédéral, au point que les food stamps font désormais l’objet de trafics, au même titre que les cartes de crédit volées. Sur les plages, on remarque davantage les sans-abris qui viennent discrètement, mais plus nombreux, s’installer sur le sable encore chaud à la tombée du jour. Mais si les marques de la crise économique se font toujours plus visibles, on ne rapporte pas de défilés protestataires face au aides qui diminuent, de piquets de grève pour lutter contre les licenciements, ni de lancer de yaourt contre les percepteurs d’impôt.

La résilience (ou soumission ?) des américains face à la crise me laisse perplexe, comparée à l’extrême pugnacité des opinions publiques européennes. Même lorsque les milliardaires eux-mêmes supplient qu’on augmente leurs impôts pour alléger la pression sur les plus pauvres, comme viennent de le faire Warren Buffet et avant lui, un groupe de 45 « milliardaires patriotiques », une majorité d’américains reste opposée à toute augmentation de la pression fiscale, y compris sur les plus riches, et en particulier sur les entreprises. Par contraste, imaginez en France la vague de soutien populaire dont aurait bénéficié Liliane Bettencourt si elle avait supplié de payer plus d’impôt !

Sans doute les américains connaissent-ils la culture de l’effort, voire du sacrifice, héritée des pionniers en majorité protestante qui ont peuplé le pays. Incorrigibles optimistes, ils savent aussi que les crises passent, mais que les impôts souvent restent. Quitte à payer, mieux vaut le faire sous forme de sacrifices maintenant, que sous forme d’impôts que l’on pourrait devoir continuer de payer quand tout ira mieux. Il faudrait voir à ne pas toucher à aux gains des futurs entrepreneurs et milliardaires que, c’est sûr, tous deviendront un jour !