Tantine

Publié le 25 février 2008 par Elisabeth Leroy

La cousine de mon père s'appelait Camille, mais tout le monde dans la famille l'appelait TANTINE.

Elle était fille unique et n'avait jamais connu son père. Elle vivait seule avec sa mère depuis le décès de son beau-père, Louis, peu après ma naissance. J'ai gardé un souvenir flou de Louis du temps où nous allions en famille rendre visite à Tantine et tante Thérèse, sa maman, je devais avoir 4 ou 5 ans. C'était un homme doux et discret.

Tantine était secrétaire de direction dans une grande société de chauffage. Elle avait toujours les ongles vernis, le rouge aux lèvres et ses cheveux noirs impeccablement coiffés. Dans sa grande maison, un peu bourgeoise, qu'elle avait décorée avec beaucoup de goût, elle nous recevaient le dimanche après-midi autour d'un café ou d'un chocolat au lait et de bons petits gâteaux. Toujours souriante et enthousiaste, elle nous maquillait et nous offrait ses rouges à lèvres un peu usés qui faisaient notre bonheur. N'ayant jamais eu d'enfant, elle les remplaçaient par les enfants de son unique cousin (mon père). Elle s'habillait avec une grande classe et quelquefois nous emmenaient faire du "lèche-vitrine" dans sa ville. Elle avait au moins trois grandes armoires pleines de toilettes de toutes sortes dans les deux chambres à l'étage. Une fois par an, au mois d'août, elle nous invitaient à passer une journée entière chez elle. Nous prenions le train le matin pour nous rendre chez elle. Elle achetait des plats "en gelée" chez le traiteur car elle ne faisait pas beaucoup la cuisine. Quelquefois, elle nous emmenaient au cinéma ou faire un tour dans le jardin public du château et du Musée. Puis, vers 17 heures, nous raccompagnaient à la Gare. Quand nous étions encore petits, elle nous demandait de préparer un petit spectacle de danse ou de chansons que nous devions jouer devant nos parents et sa maman. Pour cela, nous fermions la double porte qui séparait la salle à manger et le salon. Les spectateurs se tenaient dans la salle à manger et nous, les acteurs ou danseurs, nous nous tenions dans le salon. Elle savait que j'aimais la danse classique et il ne fallait pas me prier trop longtemps pour que je m'élance sur les pointes et me donner ainsi en spectacle. Elle mettait un de ses disques de musique classique et avec mes soeurs, nous imitions les petits rats en sautant, tournant, levant les bras avec grâce au son du piano ou d'un orchestre entier. Quand le spectacle était terminé, après les applaudissements, nous refermions la double porte, en saluant comme les petits rats de l'Opéra nos parents, tantine et tante Thérèse.

Tantine est décédée en 1990 mais je garde de nombreux souvenirs d'elle : une fleur faite avec des plumes d'oiseaux qui venait d'un de ses grands vases, deux petits cadres représentant des fleurs, l'un en imitation cuivre, l'autre en platre recouvert de peinture dorée et des photos car mon père aimait nous prendre en photo les dimanches. J'ai gardé également un de ses manteaux, écossais bleu, indémodable et je ne suis pas prête de m'en séparer.