J’ai rêvé que je rêvais de mon père.
Il était là, devant moi, et me disait combien il se réjouissait que nous ayons passé ce week-end ensemble avant son départ en compagnie de la grande faucheuse, que c’était une chance formidable. Avoir ainsi joué dans la neige, avoir pu discuter durant des heures, s'être rapprochés, juste à temps. Just in time.
Il était irréel, jeune, beau et mince, moulé dans un Tshirt d’acteur américain de série B. Son look des années 60, quoi.
C’était chouette. Comme une visite éclair et impromptue.
Puis je me suis réveillée et j’ai réalisé que je rêvais. Et que j'aimais ce rêve.
Puis je me suis réveillée, vraiment cette fois, et j’ai réalisé que je rêvais que je rêvais. Et que j'aimais toujours ce rêve perdu dans le rêve.
Ce n'était qu'un rêve, car je n’ai pas passé un week-end à la neige avec lui avant son décès. Notre dernier moment ensemble fut plaisant et gourmand, mais pas enneigé. La neige n’est arrivée qu’à l’hôpital, des heures durant. Pas dans le ciel, pas dehors, mais dans la chambre, une neige tombant du plafond. Allez comprendre.
Les rêves sont sans doute la soupape de sécurité à tous les moches sentiments humains comme la colère, l’angoisse, la peur, la culpabilité, et j’en passe.
Mais parfois, je me surprends à espérer qu’ils soient le lien ténu entre la vie ici bas et l’au-delà, un tout petit mini riquiqui vecteur de communication…