Récit du trip de la « Half-moon / full shrooms » party au bled de Roquessels

Publié le 22 septembre 2011 par Collectif Des 12 Singes

Ce texte est un trip-report datant de mai 2009, que nous mettons en ligne à l'occasion de notre participation à la soirée Squeeze Stupéfiante (cf. Vidéoprojection graffiquement hallucinante, soirée Stupéfiante Squeeze)

  

À la base, nous devions bouger pour une teuf techno dans la garrigue du côté de Pézenas (la cité de Molière), à plus de 70 km de Montpellier. N’ayant toujours pas l’infoline à 2h, cela paraissait compromis. Heureusement, des potes de potes étaient sur place et nous ont donné l’info : ni une ni deux nous avons voté pour y aller quand même, malgré l’heure tardive et la route à faire !

Arrivés sur place, une voiture de la gendarmerie bloquait le chemin d’accès unique à la soirée dans les bois. 100 m plus loin, une série de voitures garées en warning attendaient les infos pour savoir quoi faire. Résultat des courses : la gendarmerie bloquait tous les accès, même à pied, et commençait à virer les teufeurs (sûrement déjà bien trop perchés pour prendre la route mais bref !). Nous tâtant sur un itinéraire bis, la sanction tomba, sans appel : la rnoucherie nationale venait de faire couper le son (chose relativement « rare » quand un grand nombre de teufeurs sont sur place, mais ça dépend des périodes de répression ou d’acceptation d’un phénomène de « jeunesse ») !

Après trois heures d’attente de l’info et une heure de route, l’esprit n’était pas à rentrer brequouille mais plutôt à trouver un plan B. Évidemment les sound systems allaient débrancher le matos et recâbler un peu plus loin, mais cela allait prendre des plombes et rien n’était moins sûr (les camions des tribeux seraient forcément suivis par les pandores pour éviter de déplacer « le problème »).

Toujours est-il que, prenant le temps que ça monte (45 mn/1h) pendant les derniers kilomètres en voiture avant d’arriver sur place, je venais de prendre un bon gros champote bien frais (1,4 g de Psilocybes Cubensis Mexicains récoltés de la barquette hollandaise le même jour). Étant le seul sur la rampe de lancement vers l’espace intergalactique, je poussais à la roue pour faire quelque chose. Et cela tombait bien puisque quelques jours plus tôt nous évoquions le fait que nous n’avions que très (trop) rarement expérimenté les champis dans un cadre tranquille en plein air (la plupart du temps plutôt dans des soirées ou festoches alors que le champote est plus un prod de communication sociale que de perche sur le son, quoique … !).

Après tergiversations (car tous trop blasés de pas aller en free) et vote du groupe (4 personnes dans la voiture), nous sommes partis sur une petite route de campagne à la recherche d’un bon spot.

Que nous avons trouvé en le village de Roquessels (Population : 123 habitants ; Superficie : 9 km²) et de son château du XIè siècle ! Nous avons donc posé la voiture sur une place tranquille à côté du château d’eau et du cimetière et avons « dégusté » la récolte du matin sur fond de hard-tek qui allait bien (histoire de quand même écouter du très bon gros son, Narkotek pour ceux qui connaissent).

Alors que nous arrivions très bien à danser à côté de la voiture (plan B de quelques soirées annulées), une des personnes n’était pas du tout dans ce mouv’. Ainsi, plutôt que de rester statiques, nous décidâmes de profiter du temps clément (même si il y avait un peu de vent, le ciel était super clair, les étoiles et la lune bien visibles) pour visiter les environs. Toujours à la recherche de mon château, j’entrais dans le cimetière et vit une masse sombre s’apparentant à une tour. Toutefois, le vent faisant bouger les cyprès dans ce lieu non pas lugubre mais « oppressant », je décidais de retourner à la voiture et de trouver un autre chemin pour tenter de trouver le château.

C’est ainsi que nous partîmes tous ensembles par monts et par vaux sur un petit chemin caillouteux, éclairés à la seule lumière de la demi-lune. Les deux filles avec nous n’étaient pas rassurées quant à la présence de bébêtes sauvages mais nous les hommes les avons rassurés grâce à notre protection (très) rapprochée (elles nous tenaient par le col ou par la bandoulière du sac) : c’était l’occasion de vaincre ce genre de peurs et elles y ont très bien réussi. Il faut dire que les sensations étaient vraiment bizarres, tant par le manque de lumière que par le fait que nous soyons cernés par les fourrés. Nous avions vraiment l’impression de marcher dans un labyrinthe végétal en 2D, tout n’étant que nuance de gris où la branche de ronce ne devient vraiment perceptible en 3D que lorsqu’elle vous fouette le visage ! Nous avancions avec difficulté sur ces sentiers pentus, régulièrement en cul-de-sac par des broussailles nous obligeant à rebrousser chemin.

Après avoir longés un couloir de granit de 5m de haut sur 30m, après une énorme croix faite en poutres d’acier avec un Jésus rouillé, nous arrivâmes finalement dans une « clairière », qui n’était autre que la partie aménagée d’un magnifique belvédère donnant sur toute la plaine. Les lumières de la ville scintillaient magnifiquement après cette expédition dans les buissons si gris. En outre, j’étais aux anges : nous avions enfin trouvé le château. En fait, accolée aux ruines du XIè siècle, se trouvait une chapelle du XIIè siècle, elle-même ouvrant sur la tour de guet. Nous entrâmes alors dans la chapelle, forte heureusement ouverte à tous les vents (d’ailleurs en parlant de cela, il commençait à souffler par bourrasques, mais ça allait encore). Là, à la mince lumière d’un portable, des ombres angoissantes se dessinaient sur les murs (les destructions et rajouts successifs de structures murales projetaient des formes chelous) et, toujours sur le pas de la porte, nous « entendions des ultrasons » (enfin, on entendait des sons très aigus, puisque par définition les vrais ultrasons ne nous sont pas accessibles auditivement). Apeurées (et mon pote et moi pas trop rassurés non plus), les filles ressentaient des mouvements (les champotes nous transforment en humain qui valait 3 milliards) et des frôlements : pour cause, nous venions de réveiller une colonie de chauve-souris qui logeait dans le plafond, leurs sentinelles s’empressant de tester les intrus ! Rassurées sur notre présence pacifique, les « vampires » se rendormirent. Voulant y voir plus clair après mettre aperçu qu’il y avait non loin du fond baptismal un boîtier électrique, je remontais le disjoncteur mais je ne trouvais pas d’interrupteur dans la chapelle. À la recherche de lumière et à présent rassurés sur la tranquillité des habitants nocturnes du lieu, nous avançâmes dans la chapelle. Cette ambiance quelque peu gothique fut accentuée par la présence, sur l’autel situé dans la nef, d’une gerbe de fleurs encore fraîches : dans notre délire, nous avons fantasmé (et bien rigolé, histoire de conjurer le – « mauvais » – sort) sur l’idée d’esprits hantant les lieux ou de pratiques magico-païennes dans cette chapelle chrétienne. Ce sentiment fut encore renforcé quand nous découvrîmes qu’il y avait un passage bas et étroit sur le côté droit de l’abside [partie qui termine le chœur d'une église, ici par un hémicycle comportant une piscine : équipement lié au rituel de purification, il est aussi nommé lavabo (issu du verbe latin de l'expression Lavabo inter innocentes manus meas – « Je me laverai les mains parmi les innocents ») ; il est inclus dans l'épaisseur d'un mur intérieur, non loin du chœur, trouvant sa place dans l'agencement de la maçonnerie, en creux comme une niche]. Après avoir pris ce petit passage, à moitié courbés, nous arrivâmes dans une petite pièce avec pour seule ouverture une petite lucarne, une meurtrière. On aurait dit une oubliette où il était impossible de faire les cents pas vu la taille de la geôle. En réalité (après recherches en étant rentré), la sensation bizarre était due au fait qu’il s’agissait d’un enfeu : une tombe encastrée dans l'épaisseur du mur d'un édifice religieux, généralement réservée aux nobles ! Toujours est-il que, plus tard au lever du soleil, la mini-vue qu’offrait la meurtrière sur le paysage était magnifique, avec de splendides couleurs ! Voyant sur le plan de l’édifice qu’il y avait un accès à la tour de guet (haute de 10 m environ et surplombant le village, perchée sur sa colline), je cherchais le moyen d’y accéder. Voyant un panneau « site dangereux », cela signifiait que cela devenait intéressant. À fond de champignons, j’entrepris de grimper le mur pour accéder à une ouverture (située à 3 mètres du sol) ouvrant sur la tour. Malheureusement, le site devant être très dangereux, une porte métallique bloquait l’accès à la tour ! Dommage, d’autant plus qu’un escalier récent en bois avait été aménagé pour pénétrer dans la tour et sûrement pouvoir monter sur les créneaux. Ayant fait le tour (oui, mais pas la tour, la partie la plus intéressante !), nous sortîmes alors de la chapelle. Comme quoi on est loin de faire n’importe quoi sous champotes (quand c’est bien pris par des gens « sains » et surtout sereins), je remettais les choses comme elles étaient à notre arrivée, c’est-à-dire que je coupai le disjoncteur puisque nous n’avions pas trouvé les lumières. Et pour cause (explication du lendemain matin, en phase plus claire) : le tableau électrique gérait en réalité les spot-lights qui illuminaient le château (éteint à notre arrivée). Heureusement, personne du village ne s’est rendu compte à 4h du matin que le château brillait de mille feux (pendant 45 mn environ).

Descendant le long de la tour carrée puis de la partie ronde de la chapelle fermant l’édifice, nous arrivâmes devant une porte menant à la partie ancienne du cimetière. Les filles n’étaient pas du tout partantes pour ce genre de délire gothique, le respect des morts étant une valeur on ne peut plus forte, même au sein d’une jeunesse qualifiée à tort de désabusée et de sans foi ni loi ! Toujours est-il que l’intention était plutôt de braver ses peurs et de ressentir l’atmosphère « surnaturelle » de ce genre de lieu, rempli d’Histoire comme d’histoires !!! Mon pote et moi les motivions pour tenter l’expérience, pas si effrayante en groupe sous la protection lumineuse d’une lune entre loup et chacal (l’un prédateur, l’autre conducteur des morts) car demi-lune en phase montante (première moitié de lune avant la pleine lune une semaine plus tard). Après s’être laissées embarquées dans le labyrinthe végétal (nettement plus « flippant » avec ses effets visuels de semi perception des reliefs, volumes et couleurs) et après avoir demandé symboliquement aux morts l’autorisation de pénétrer leur lieu de vie / de repos, les filles nous suivirent finalement. Déambulant comme des âmes en joie euphorique ayant bravées la peur instinctive de la Faucheuse qui rôde, nous étions plus que sereins au milieu des tombes légèrement éclairées par la demi-lune. Nous devisâmes alors sur ce mini village des « damnés » où les tombes reflètent la vie sociale des défunts : riches avec de grands caveaux et pauvres avec de simple stèles ou un « berceau » métallique rouillé surmonté d’un cœur (tendance du début du XXè siècle). Finalement, le plus triste dans tout ça était les tombes fracassées par le temps qui passe et le manque d’attention qui leur était porté : notre mère la terre étant active (pluie, mouvements de terrain, etc.…), un certain nombre de vieilles stèles étaient cassées et des morceaux épars sortaient du sol, à semi ensevelis (donc d’autres à semi déterrés, puisque le sol travaille dans les deux sens). Nous avions osé franchir la porte du cimetière, nous en étions ravis, mais nous ne voulions pas non plus nous y éterniser (ça, nous verrions plus tard, le plus tard possible !).

Dans l’esprit de découverte qui nous animait, nous reprîmes alors la « route », plutôt le chemin dallé originel descendant du château haut au bas-village. Nous fîmes ainsi plusieurs déambulations dans le village endormi, découvrant de nouvelles voies d’accès au milieu des étroites ruelles médiévales, slalomant entre les maisons en pierre et nous ébahissant devant de magnifiques parterres de fleurs (notamment ce qui semblait être de l’absinthe, mais plutôt un membre du même genre Artemisia, les armoises, avec des feuilles duveteuses de velours, d’un blanc éclatant).

Finalement, vers 7h du matin, n’ayant trouvé qu’une inscription d’un café fermé depuis bien longtemps, mais aucune boulangerie ou personne (heureusement que nous n’avons croisé aucun habitant chasseur/viticulteur, sinon c’est eux qui auraient halluciné de voir quatre jeunes teufeurs aux yeux quasi sans iris coloré mais avec la pupille noire très dilatée errer dans un si petit village à pas d’heure du gromanche), nous avons repris la voiture après un voyage sur place de 4 heures. Après avoir pris des viennoiseries dans le village d’à côté (la boulangère a due halluciner en voyant justement nos yeux), nous nous sommes rentrés, les seuls vaillants veillant encore étant le conducteur et moi-même, bref les anciens ! Pfff, la jeunesse n’est plus ce qu’elle était, la nouvelle génération ne tient pas grand-chose !!!

Pour conclure, après un repos bien mérité, chacun s’est réveillé comme une fleur, sans gueule de bois ni autre trouble post-perchique, ni même un seul bleu après toutes nos pérégrinations en varappe dans les ruines et les chemins de travers (même si nous étions plus de travers que les chemins !).