Magazine Journal intime

Des baisers et des pralines

Publié le 25 février 2008 par Anaïs Valente

Voici le second texte de ma participation au concours Cadeau des Editions de l'Ermitage... 

S’il est une période que j’ai eue en horreur toute mon enfance, c’est celle de la visite annuelle à la famille éloignée.  Vous avez dû connaître ça, vous aussi.  Un morceau de famille éloignée, tellement éloignée qu’on ne trouve rien à dire lors de cette rencontre, ou presque. J’y allais les pieds de plomb, en général à la Toussaint, histoire d’aller fleurir les tombes de lointains ancêtres disparus depuis le siècle dernier.  Je partageais un repas fait de mets inhabituels et infects.  Nous parlions de tout et de rien.  Surtout de rien, d’ailleurs.

Une fois venue l’heure de la séparation, je recevais systématiquement une boîte de pralines.  Oh non, pas des Neuhaus ou des Godiva, même pas des Léonidas.  Une grande boîte remplie de dizaines de petites pralines de piètre qualité, toutes plus immangeables les unes que les autres.  Un kilo de pralines acheté pour moins de cent francs (2,5 eur) au supermarché du coin.  Infectes.  Faites d’un chocolat qui contenait tout sauf du chocolat.  Farcies de mixtures indéfinissables, mais qui avaient un point commun : qu’elles soient composées de crème, de sucre, d’alcool ou de pâte pralinée, tout était mauvais.  Je garde peut-être de cette époque une sainte horreur des pralines, quelles qu’elles soient, même les plus prestigieuses.  Lorsque j’en reçois, je pratique toujours de la même façon : j’en prends une au hasard, je la croque puis, comme je n’aime jamais son contenu, je la jette, et ainsi de suite.  Occasionnellement, j’en découvre une à mon goût.  Rarement.

Mais le pire des cadeaux que je recevais lors de ces réunions familiales traditionnelles, c’était sans doute les baisers que m’offraient les enfants de cette famille si éloignée.  Oh rassurez-vous, de chastes baisers.  Des baisers de gamins prépubères.  De gros baisers.  Bien gras.  Bien collants.  Bien mouillés.  Bien claquants.  Bien sonores.  Bien gluants.  Tellement gluants que j’en gardais les joues mouillées durant plusieurs longues minutes.

Nous partions ensuite.  Nous quittions les lieux jusqu’à l’année suivante.  Moi, boîte de pralines sous le bras, joues encore humides de ces baisers tant redoutés.

A mon arrivée à la maison, j’allais me rincer le visage puis mettre mon kilo de pralines à la poubelle.  Ou bien mettre mes pralines à la poubelle avant de me rincer le visage.

L’ordre avait peu d’importance, le rituel était cependant immuable.



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