« Admettre le droit à la connerie ». C’est sûr, ça va tout changer.

Publié le 04 juin 2011 par Audem

 

Les secousses de ces dernières semaines dans le monde politique ont déchainé un flot de paroles et de commentaires qui vont du plus sensé au plus révoltant. Que les accusations d’agressions sexuelles portées contre Dominique Strauss Kahn se révèlent réelles ou affabulatoires, il est déjà trop tard. L’indécence qui a courru dans tous les médias fait prendre conscience du disfonctionnement qui existe encore dans de nombreux domaines : rapport justice/médias, rapport justice/politique, et grandement, rapport hommes/femmes.

J’ai très envie de dire à Jack Lang, que si « il n’y a quand même pas mort d’homme », il est possible qu’il y ait - si les accusations de la plaignante s’avèrent réelles j’insiste - sans doute mort psychologique temporaire ou définitive d’une femme. Et que le fait qu’il « ait voulu s’exprimer en termes juridiques », s’il est recevable (quoique l’expression employée s’utilise quand même depuis des décennies pour dire ce qu’elle veut  bien dire…c’est à dire qu’on s’en fout…), n’efface pas une maladresse criante qui est venue raviver le cliché destructeur du « ce n’est pas si grave ».

Je passe sur le « détroussage de domestique » du journaliste Jean-François Kahn, qui nous dit aujourd’hui que c’est « une petite phrase sortie du contexte ». J’ai envie de dire « Heureusement », parce que c’est encore pire quand on entend la totalité de l’interview… Mais enfin comme à présent il plaide pour qu’on « admette le droit à la connerie », je ne vois pas pourquoi je m’emporte…

Je passe aussi sur l’article du Monde qui cite des micro-trottoirs où l’on peut lire « Si tu as été violée, tu dois crier, te défendre. Pourquoi est-ce qu’elle a tellement attendu avant de prévenir la police? » ou « Elle était consentante, et la plupart pense comme nous ». Pas besoin de mico-trottoirs d’ailleurs: je n’ai toujours pas digéré dans tous les sens du terme le déjeuner au cours duquel je me suis entendue dire « de toute façon, elle sera indemnisée »…

Il n’y a pas besoin de grands violons pour dire tout simplement que de tels propos continuent de nourrir un imaginaire collectif dans lequel d’une part la femme doit naturellement se soumettre à l’homme – comme une loi biologique donc inaliénable - et d’autre part que le viol résulte d’une provocation. C’est un propos également tenu par certaines femmes. On ne lutte pas comme ça contre des milliers d’années de préjugés. Jusqu’à il y a peu, après tout, en France, on n’était même pas assez intelligentes pour élire celui qui déciderait des lois communes…

Doit-on croire en une guerre des sexes, en une opposition suprême dont la femme triompherait, en un féminisme débridé qui place la femme plus subtile, supérieure, omnisciente? Ou bien doit-on accepter un machisme assumé ou insidieux, imposant que, puisque la femme est née pour être mère, elle doit se plier, s’effacer, s’oublier, et que cette infériorité issue d’une fatalité justifierait que lorsqu’il y a viol ou agression sexuelle, certains continuent d’estimer qu’il ne faut pas en faire un drame ? Les deux perspectives me semblent à détruire au quotidien.

Je connais des hommes qui respectent les femmes parce que leur mère, leurs soeurs, leurs amies les rendent admiratifs. Parce que leurs collègues sont compétentes et ne s’excusent pas d’être à une place égale à la leur.

Alors messieurs les politiques, journalistes et autres interrogés, s’il vous plait, ne m’amener pas à penser que ceux-là sont des exceptions. Quand on a la parole, il faut prendre les responsabilités qui vont avec, surtout dans l’espace médiatique public.

Désolée donc, si je refuse le droit à la connerie, et que je pense qu’aucun et aucune de nous ne doit laisser passer les petites phrases qu’on entend par-ci par là. Et qu’il faut plutôt voir ce qui nous rapproche.

Ce qui rejoint les hommes et les femmes, même si la science a récemment prouvé qu’ils n’avaient pas le même, c’est qu’ils ont un cerveau. J’ai la faiblesse de croire qu’on a aussi tous les deux un truc qui s’appelle cœur. Et je ne crois pas que ça soit parce que je suis une femme…

A lire en ce moment :

Nouvel Obs du 1er juin avec en Une « La France des Machos »

Sorti en poche : Elisabeth Badinter, »Le conflit : la femme et la mère »