Comment aider votre chien à construire un avion.

Difficulté : Pas évident et même peut vous donner un mal de chien.
(avis aux lecteurs germanophiles, mes rudiments d'allemand étant limités à quelques répliques de La Grande Vadrouille, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon utilisation approximative de la langue de Goethe. Je parle schleu comme une vache espagnole, ce que prouve bien que je ne suis pas xénophobe. Par ailleurs, j'ai également des phares au xénon sur ma voiture, c'est dire)
Tout d'abord, avant toute chose, il est INDISPENSABLE de vous munir d'un chien.  Un berger allemand, par exemple.
Vous aurez alors, comme la plupart des propriétaires de chien, la possibilité de constater, en regardant votre berger allemand essayer de construire un avion, qu'il s'agit d'un exercice pouvant le plonger dans un abîme d'embarras et de frustration.
Comme de nombreux Allemands, il a une aptitude certaine pour les problèmes d'ingénierie. Comme presque tous les Allemands, cependant, il est têtu, hargneux, et ne sait jamais quand s'arrêter.
Par exemple, au moment du lancement de l'hélice, inerte malgré sa énième tentative d'amorçage, vous le verrez secouer la tête en jurant : "gut verdamt noch einmal !" 
Bien sur qu'elle ne démarrera pas ! Vous aurez eu beau de lui dire que les taux de compression sont tous erronés, que l'utilisation d'un turbopropulseur plus récent, comme le Daimler-Benz TU605, par exemple, serait beaucoup plus efficace pour lui permettre ne serait-ce que de passer par dessus la clôture du jardin. 
Mais non.
Et la vue de sa niche calcinée, encore un peu fumante au fond du jardin, suite à sa précédente tentative n'a absolument rien changé à sa détermination bornée. 
Bah allez, faut aller lui remonter le moral. Une tasse de thé à la main vous traversez le jardin.
- Salut Hans ! Sa gueule sort de sous le moteur, les poils sont maculés de graisse, notamment sa truffe qui s'orme une mini moustache lui donnant un faux air hitlérien...En tout cas il grogne, vous flairez immédiatement qu'il est d'une humeur de chien, ayant bossé quasiment toute la nuit à trouver le bon réglage de ses soupapes... - Tu sais Hans, pour obtenir la meilleur efficacité volumétrique de ton admission, il faut que tu règles au poil le calage des soupapes avec l'augmentation de l'arrivé d'air, et... D'un mouvement de langue dédaigneux, il slurp votre tentative d'explication et grogne :
- Dies se Lieber... - Le moteur du Messerschmidt BF109, est bon certes, mais c'est de conception un peu ancienne, c'est tout. - Le matériel allemand est le meilleur du monde ! Wunderbar ! Fantastisch ! - Ouais, enfin, ça ne les a pas empêché de perdre deux guerres d'affilées quand même, hein ?
Maintenant, il est vraiment de mauvais poil, son front se plisse et s'errisse, il hurle en frappant le carter au dessus de lui avec sa clef anglaise : - Harf ! Das parfaite deutsch design ! Ich liebe deutsch mekanic !
A cet instant précis, éclate dans le jardin d'à côté, la pétarade caractéristique d'un moteur Rolls-Royce Merlin 61 12-Cylindres en V, aussi puissant qu'un essaim de tronçonneuses asiatiques en colère.  Levant la tête vous voyez passer au dessus de votre pelouse, la réplique improbable d'un Spitfire MK1, fabriquée à partir d'un conduit de hotte aspirante, de plancher flottant et d'accessoires de VTT, tondeuse à gazon et autres pièces à l'emporte pièce.  Aux commandes, un couple de Welsh Corgis portant casquette en cuir et lunettes d'aviateurs, vous jette un regard condescendant avant de ricaner en english.
Hans a les yeux fixés au sol, sans voix.  Son abattement fait peine à voir, il marmonne et sanglote doucement. Il vous lance un regard de chien battu et vous ne pouvez supporter toute la souffrance que vous percevez au fond de ses prunelles brunes.
Vous rentrez alors chez vous, votre décision est prise. 
En ouvrant l'armoire à fusil, vous vous dites que toutes manières, vous aviez toujours voulu un chien andalou.