Magazine Journal intime

Les têtes rousses dans mes mains

Publié le 27 septembre 2011 par Claudel
Les têtes rousses dans mes mains Dès que le monsieur qui était venu gentiment porter la boîte de mes livres dans ma voiture se fut retiré (je ne voulais pas le faire devant lui, je voulais me garder cette surprise et ma première sensation pour moi seule, je déteste ouvrir des cadeaux en public probablement parce que mes réactions s’affichent sur mon visage), j’ai ouvert la boîte, j’en ai pris un dans mes mains et je l’ai aussitôt déposé sur la banquette avant. Je suis partie. 
Aux feux rouges, je le prenais, je touchais au papier, je l’ai regardé sous toutes ses coutures. Je l’ai feuilleté, comment on dit ça tourner les pages avec le pouce, comme on fait parfois avec les cartes à jouer. 
Qu’on ne vienne pas me dire que la sortie d’un livre numérique m’aurait fait autant plaisir. 
Le voir ne fut pas une surprise, j’ai travaillé avec l’illustratrice pour la couverture, j’ai fourni la photo de la quatrième couverture. Que me restait-il pour me faire battre le cœur : être seule, en silence et le tâter à mon goût, juste pour moi, avant que tout le monde (on oublie l’imprimeur et l’éditeur) le voit. Sentir que cette bonne nouvelle, c'est à moi que ça arrive. 
Quatre heures de route (oui, bon, il y eut aussi une mammographie et quelques achats chez Costco, tant qu’à y être, je combine toujours plusieurs éléments lors de mes virées à Gatineau), un demi-réservoir d’essence, mais je voulais le voir. Si le livre avait été numérique, je l’aurais eu la semaine dernière. Je ne veux même pas y penser. Aucune comparaison. 
En attendant les camions-escortes sur les routes en construction, j’en profitais pour lire quelques mots. Mes mots. Tous ces mots, toutes ces phrases sont de moi. Ça aussi ça fait pouf-bang-couic-toc-toc-toc direct dans le cœur. Et dans le sourire. Sur papier recyclé, sur l’écran, ce n’est pas pareil. Il faut la reliure allemande, il faut la grosseur de caractères, la police de caractères, l’interlignage mais surtout, les pages bien retenues par la reliure. Ça, c’est un livre, et c’est le mien. 
Il est vrai qu’il y a analogie avec un accouchement (quoique je n’ai jamais accouché, c’est par ouï-dire et ouï-lire que je le sais) : une fois qu’il est là, normalement constitué avec toutes ses couleurs, ses pages, ses mots, on oublie toutes les lettres de refus, tous les maux de ventre, toutes les corrections et versions et recherches, toutes ces interminables attentes et ces innombrables découragements. Il est là, c’est tout ce qui compte. 
Mon esprit a bien commencé à penser à la suite : probablement pas de lancement de la part de l’éditeur, en ferais-je un, ça ne me tente pas, je n’ai pas le talent d’organisatrice; la distribution, le distributeur n’ira probablement pas dans les tabagies de ma région, je devrai m’en occuper; les communiqués de presse, à qui en envoyer, coordonner mes actions avec celles de l’éditeur. Non, pas tout de suite, demain, la semaine prochaine. Pour l’instant, ne sois qu’auteur : regarde-le, touche-le encore, relis-le. Oui, relis-le, et sois fière de chaque mot, de chaque phrase, de chaque ligne. C’est toi qui l’as écrit.

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