Les hommes politiques ont-ils encore du pouvoir ?
André Chassaigne : Le pouvoir, ce sont les hommes politiques qui se le donnent ou qui l’abandonnent. On essaie de développer une fable sur la disparition de ce pouvoir mais c’est faux. Laisser agir « la main invisible du marché » cela correspond à une conception de la société, à des choix politiques voulus, organisés.
Richard Millet : Ils n’ont pas plus de pouvoir qu’un conseil d’administration. Aujourd’hui, il n’y a plus que de la gestion. La France est une holding qui appartient à une autre holding, l’Europe. Mais c’est un mouvement général, lié à la mondialisation, à la perte de l’idée de nation, à la progression de l’inculture. Il y a une perte du sens politique comme il y a une perte de la langue, de la culture générale. C’est aussi la responsabilité des politiques qui cèdent sous la pression de la rue ou des médias.
L’Europe a-t-elle réduit le pouvoir des hommes politiques français ?
A. C. : Elle réduit ce pouvoir si on l’utilise comme un outil en opposition aux peuples d’Europe. Comme par exemple la « règle d’or ». Aujourd’hui, on amalgame à tort une partie de la dette qui est due à la spéculation financière et une autre qui est faite pour améliorer le quotidien de la population. Il ne faut pas faire un « paquet » de la dette.
R. M. : L’Europe n’a fait qu’amplifier les choses pour la France. Il y a une dilution des pouvoirs. Économiquement, il n’y a cependant pas d’autre choix que l’Europe. Mais politiquement, c’est le vide. On aurait pourtant davantage besoin d’harmonisation juridique entre les pays de l’Union.
Peut-on vraiment influer sur l’économie à l’heure de la mondialisation ?
A. C. : Il y a actuellement une bataille idéologique pour augmenter les profits. Mais il existe des mouvements de résistance dans le monde, comme en Amérique du Sud ou en Europe, avec les Indignés. La France est la cinquième puissance économique. Quand un homme politique aura le courage de résister, ce sera alors comme une traînée de poudre à travers le monde.
R. M. : Des philosophes l’ont dit avant moi : le monde est gouverné par le marché et le droit. Aujourd’hui, c’est l’Amérique qui gouverne. Et j’exagère à peine.
La politique n’est-elle plus que de la communication ?
A. C. : Il y a un rejet global de la politique mais on n’en sortira pas par la com’. Il nous faut une VIe République pour redonner de la légitimité aux élus. Il faut donner de nouveaux pouvoirs aux citoyens en s’appuyant notamment sur les mouvements sociaux. À titre personnel, je suis par exemple favorable aux référendums populaires.
R. M. : La politique, c’est de la com’ sur de l’économique et du socio-économique. C’est évident qu’il faut être un bon communicant. Sarkozy l’a parfaitement réussi en 2007.
Thibaut SOLANO