Une assiette de beignets de calamar. Elle attrape le demi citron au centre de l’assiette, le presse, les gouttes pissent sur les anneaux dorés. Elle parle toute seule, parfois le nez dans son assiette, parfois la main devant sa bouche, parfois au grand jour. Elle a beaucoup de choses à dire. Elle n’arrête pas, sauf pour mâcher. Quoique. Logorrhée et mastication se confondent.
Elle bataille avec le caoutchouteux des bestioles, mastique, déglutit, boit une gorgée d’eau et reprend sa conversation avec personne.
Des reflets blonds dans son châtain capillaire, une peau dorée. Quelques taches sombres. Des mains sèches, attaquées par la cinquantaine, mais délicates. Des jambes nerveuses, bien dessinées. Croisées. Un pied droit qui se balance.
Au détour d’un regard, prise de conscience brutale. Elle ne parle plus seule, elle imagine le regard porté par celles et ceux qui pourraient la voir.
Tout le monde parle tout seul. Mais personne ne semble savoir que tout le monde le fait.
Elle détourne la tête brutalement. Regarde vers ailleurs, vers nul part.
Savoureuse et extraordinaire banalité. Immortalisée.