L’adolescent : mammifère marin, aérien, et quelquefois terrien, de la famille des hominidés, sous-classe des épongidés, souvent mu par des drôles d’idées.
La découverte de cette espèce animale est assez récente. Jusque là le sujet de cet article était considéré comme un simple objet d’éducation rigoureuse de nature à permettre à ses géniteurs et à leurs complices de se venger bassement des traitements subis durant leur propre passage de l’état d’enfant dérangeant à l’état d’adulte dérangé.
L’adolescent est une créature mi-homme mi-bête, quand l’adolescente est, elle, une créature mi-femme mi-bête. Dans les deux cas on voit que la bête est omni-présente. Alors que le prédécesseur de l’adolescent, couramment nommé enfant, pose des tas de questions, l’adolescent pose des tas de réponses.
L’adolescent a des tas d’occupations quant il souhaiterait en fait avoir un tas d’inoccupations. La principale occupation de l’adolescent est d’aller au collège, puis au lycée, puis, selon les cas, à l’université ou au chômage. Ou à l’université puis au chômage s’il n’a pas la chance de devenir stagiaire. Au collège et au lycée l’adolescent peut apprendre que la Cochinchine n’a jamais été la cousine du cochon d’Inde, que la guerre des Gaules ne fut ni une partie de pêche ni une partie de jambes en l’air, et que les racines carrées ça ne sert pas à faire des frites. En revanche il est vrai que l’enseignement reste plutôt aride en ce qui concerne la nouvelle version du jeu XXXWarTrashBeat, les résultats du championnat de baballe au pied, les réservations pour le prochain concert d’Enlaidie Gagadona ou l’avancement des états péniens ou clitoridiens de telle ou telle star-teup. C’est le conflit des générations.
Le régime alimentaire de l’adolescent est très particulier. Capable en théorie de se nourrir à peu près de tout, il peut tout aussi bien prétexter des états de famines locales ou mondiales pour justifier d’aller s’entasser dans des aquariums clinquants dans le seul but d’absorber des aliments issus de l’industrie de retraitement des excédents de chez Canigou et Ronron. Faut pas gâcher. Le grand M jaune qui sert d’enseigne à une de ses chaînes d’aquariums est même devenu le symbole de cette démarche ascétique paradoxale.
Notons ici encore une différence entre les sexes : l’adolescente mange peu pour rester mince et devenir top-model. L’adolescent mange beaucoup parce qu’il a tout le temps faim.
L’adolescent aime le bruit. Franchement si vous aimez le calme prenez plutôt un chat. Ou un poisson. Ou mieux encore un poisson-chat.
Il arrive que l’adolescent se sente pénétré quelque soit son sexe d’une certaine dimension intérieure. On a alors coutume de lui attribuer des caractères romantiques, poétiques, romanesques, et même dans certains cas une intelligence sensible qui n’est pas sans évoquer une ombre d’humanité. Ce sont des situations où pour se rendre les choses supportables l’adolescent peut être enclin à fumer des pétards, à lancer des pétards, voire à se mettre en pétards. La mèche, plus ou moins habilement mêlée à un monde de tifs dans un ordonnancement approximatif, étant un signe distinctif qui ne trompe pas. Il fut un temps où on pouvait encore convaincre l’adolescent de se coiffer. Aujourd’hui il faut se satisfaire qu’il mette un soin particulier, voire méticuleux, à se décoiffer.
L’adolescent s’éveille à la sexualité. A deux mains, à deux pieds, la tête en bas, roulé en boule, dans sa chambre, dans les toilettes, dans la chambre d’une copine, d’un copain, ou des deux, ou seul, tout seul, toujours tout seul car personne ne l’aime. Dans certains cas cet éveil s’accompagne d’une fièvre créatrice : l’adolescent écrit alors des poèmes : comme il a les deux mains occupées il écrit avec les pieds.
L’adolescent s’éveille tellement à la sexualité que ça frise l’insomnie. D’où sa propension à rester au lit très tard le matin jusqu’à en oublier d’aller au lycée, à la fac, à son cours de guitare électrique, à l’attaque de la société bourgeoise, à son rendez-vous avec Pénélope, à la répétition du groupe de rock prometteur qu’il à constitué avec deux ou trois potes qui sont encore au lit aussi, alors à quoi bon.
L’adolescent à la capacité d’être sympathique avec l’adulte : les cas d’argent de poche, de permissions de sortir, et de projets de vacances entre congénères lors d’un voyage initiatique dans des contrées faméliques heureusement épargnées par les affres du consumérisme mais où il y ait quand même du réseau pour les sms et les mms, ne sont pas toujours les seuls motifs de cette sympathie.
L’adolescent veut refaire le monde. A défaut de remettre de l’ordre dans sa chambre. La chambre de l’adolescent c’est la planète. Certains prendront le temps de s’apercevoir qu’ils vont y laisser leur jeunesse et d’autres se rendront vite compte que le cac 40 n’a pas que des défauts.
L’adolescent est sale. Davantage dans sa version mâle que dans sa version femelle, quoique : l’égalité des sexes aidant, si on peut dire, on rencontre de plus en plus d’adolescentes chez qui l’usage du savon passe après celui du verni à ongle.
L’adolescent est libre. Il manifeste notamment sa liberté en s’habillant comme il veut. C’est à dire de la même manière qu’une multitude de ses semblables, défendant ainsi, sûrement à son insu, la singularité collective : façon de ménager de la sorte une vague nostalgie des options communautaires sorties par l’issue de secours d’un lointain joli moi de mais, (où et donc or ni car de CRS), ménageant aussi par là même les chiffres d’affaires des fabricants de logogos pour jeunes à cartes bancaires. Pour d’autres la contrefaçon peut faire illusion. Pour d’autres encore ce sera la contrefashion. Mais l’objectif est le même. L’important c’est d’être d’une tribu ou d’une autre. Car l’adolescent qui n’est pas à une contre-addiction près est tributaire en toute liberté.
En dépit des apparences qui sont contre lui, d’ailleurs tout est contre lui, l’adolescent est une source de revenus. Les « labels », dénomination consacrée, (en deux mots donc), pour parler des marques de fabrications de décibels, (d’où la rime riche label/décibel, profitez-en y’en a pas d’autres), les « labels » l’ont bien compris, car il n’y a pas que les chiffonniers et les concepteurs de joy-stick qui ont l’intelligence de la bourse, « labels » dont l’industrieuse léthargie créatrice occasionne à longueur de temps la répansion planétaire d’une soupe informe et surtout conforme dont les ingrédients sont calibrés plus sûrement encore qu’une banane peut-être cambrée par une directive européenne. C’est peu dire. Pour paraître moins malhonnête il s’est inventé pour soutenir cette homogénéisation sonore un concept comme seuls les plats esprits qui sont les leurs savent en pondre : la world music.
Heureusement ou pas l’adolescent est rebelle, et désormais plus doué de ses doigts sur un clavier d’ordinateur que pour tourner les pages d’un livre, ce qui pourrait passer pour un progrès de l’évolution digitale, il lui est donc venu de jouer les pirates. L’adolescent vole donc électroniquement des kilomètres de son, et aussi d’images, sans les payer à des personnes qui en fabriquent des containers dans le but de se faire des couilles en or en produisant à 95,23% de la merde. Il en est ressorti qu’une bande de politiciens partis en guéguerre contre ce vol traitent aujourd’hui ces pirates d’ado-pie.
Tout libre est rebelle qu’il est l’adolescent est dépendant. On ne le voit pratiquement plus circuler dans le monde de tout le monde sans qu’il transporte son son avec lui au moyen d’un appareillage dont les appellations varient mais dont le nom générique est prothèse musicale : pour en vérifier la pertinence amusez-vous une fois à tirer subrepticement les écouteurs de l’appareil des oreilles d’un ou d’une de ces individus ; dans le métro par exemple : vous verrez alors le sujet chanceler, pâlir, verdir, et les jambes soudain toutes molles menacer de se liquéfier à vos pieds. Ne prolonger par trop avant l’expérience et replacez prestement les écouteurs dans ses orifices auditifs, (tant qu’ils le sont encore) ; ce n’est pas la peine de risquer un procès pour non assistance à personne en danger.
En marge de ces stéréotypes dont toutes les géométries se croisent presque qu’exhaustivement dans ce qui précède, (évidemment avec une phrase pareille ça pas être simple de trouver un lectorat parmi les 15/20ans !), il y a des individus qui passent de l’état d’enfant à l’état d’adulte sans répondre pour autant au descriptif que je viens de faire. J’en ai même connu un qui a l’époque, (lointaine), où les filles de la classe s’arrachaient les dernières nouvelles de la vie à paillettes d’un chanteur tellement survolté qu’il finit brièvement sa carrière en phare d’Alexandrie en se branchant directement sur le secteur, et où les garçons retenaient leurs érections devant les exploits d’un footeux devenu depuis chef mafieux à la tête d’une officine de gestion de ballons, un qui à cette époque donc en était à ignorer presque tout sur Monsieur Jagger, (Mick de son prénom), sauterelle rockeuse qui poussa l’anticonformisme jusqu’à s’aller faire décorer le plastron par Madame de Windsor, (Elisabeth II de son nom de scène), et à ne suivre aucune des rencontres de ballots-pieds cette célèbre année où dans un grand élan humanitaire la coupe du monde se déroula dans des stades opportunément débarrassés de tous opposants à la junte militaire au pouvoir dans l’Argentine dont il s’agissait alors et bien qu’on ne sut jamais ce qu’il advint des dits opposants.
Enfin, car il faut bien en finir, nous observons que l’adolescent fait tant recette qu’on en prolonge depuis quelques temps la survivance aussi tardivement que possible grâce à l’une des dernières trouvailles des ceusses qui accouchèrent également des « séniors » et des « bobos » : l’ « adulescent » : mélange d’adulte lassé et d’adolescent adulé. Intéressé que je suis parfois à me faire un peu de thune, et soucieux de contribuer au développement de la langagerie, qui plus que linguistique rime aisément avec ménagerie, je m’apprête à promouvoir un nouvelle fusion lexicale : le « bobulescent ». En poussant un peu on devrait pouvoir intégrer un peu de vieux là dedans et parvenir à une nouvelle cible : le « bobulescenior ».
Mais bon, en attendant je vais aller ranger ma chambre.