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Prix du Polar – Editions Points (1)

Publié le 03 octobre 2011 par Zegatt

Comme certains d’entre vous le savent peut-être, je fais partie du jury de lecteurs pour la seconde édition du Prix du Polar des Editions Points.

Au programme, 9 livres (8 ont été reçus et lus à ce jour), au moins 5 nationalités différentes représentées, pour du roman noir/thriller/polar à toutes les sauces, de la centaine de pages aux 500 pages bien pesées, le tout édité comme son nom l’indique par Points en livre de poche.

Pour plus d’informations concernant le Prix en lui-même, je vous invite à aller directement sur le site du Prix du Polar 2011. En attendant les dernières semaines, la dernière lecture et les délibérations, je vous propose un tour d’horizon des textes en compétition, en commençant par les ratés en circulation, ces livres que vous NE devez PAS acheter, pour lesquels toute lecture signifie une PERTE DE TEMPS et qui vont de la DAUBE pure et simple au DESASTREUX. Dans cette catégorie, j’ai nommé deux auteurs : Diana Abu-Jaber et Valentin Musso.

Prix du Polar – Editions Points (1)

J’ai l’habitude de prendre des notes dans les livres que je lis, sur les pages intéressantes comme sur les ratés pour en annoter les erreurs successives. Depuis L’espèce fabulatrice de Nancy Huston, lu il y a 2 ans, et avant cela du côté criminel avec l’essai Le complexe du loup-garou par Denis Duclos, je n’avais pas lu une telle fumisterie.

Avec Origine, pas le temps de vous faire d’illusions, elles sont détruites dès les 3 premières pages par une narration mollasse qu’une narration à la première personne et au présent ne parvient pas à faire décoller, un personnage principal au caractère inexistant et un désequilibre flagrant quant aux détails qui vire de l’aborescence à l’inexistence.

Et ce n’est que le début ! J’aurais pu vous dire, dans un élan littéraire, comme le fait l’auteur, que « je n’ai trouvé que dalle » (c’est moi ou ça sonne pas terrible ?) mais bien au contraire, j’ai toute une liste de ratés : à commencer par l’adjectif le plus employé dans le roman qui est « super » : mauvaise traduction ou pauvreté à l’origine, on passe du « supercool » au « superfort » sans interruption. Donc côté littéraire, vous êtes servi d’entrée, sans compter la redondance des « OK » qui finissent par plus ponctuer les phrases que les points… Du coup, c’est superchiant et superlourd, OK ?

Au niveau des personnages, c’est pauvre. Très pauvre. Des complexes psychologiques que rien ne motive, des oppositions sans fondement qui à 50 pages d’écart sont colmatés pour mieux exploser sans raison d’être, des individus qui noient le récit sans y apporter le moindre élément et aux premières loges cette narratrice cruche comme pas deux qui prétend résoudre une énigme criminelle, passant son temps à être tourmentée alors que rien ne lui arrive et que toute la population inutile de personnages secondaires qui l’entoure lui demande : « est-ce que ça va ? ». Du coup, l’héroïne, on ne sait pas, mais le lecteur lui peut en être certain : non, ça ne va pas.

Reste l’intrigue. Et peut-être est-ce là que le récit s’effondre le plus. Au cours des 540 pages du roman (eh oui, parce que tant qu’à écrire quelque chose de chiant, autant faire en sorte que ce soit long aussi), une ribambelle de non-évènements prennent place, parfois inutiles, parfois contredits, et souvent longs. Entre deux effets somnifère, Diana Abu-Jaber nous offre une belle tranche de rire au détriment de son texte quand elle croit son lecteur encore plus cruche que son héroïne, notamment quand cette dernière qui croise un autre personnage pour la quatrième fois a droit comme première question à « Vous vous souvenez de moi ? » ou encore lorsqu’elle nous sert un dialogue d’anthologie : « - On n’a pas avancé d’un pouce. / – C’est un bon début. » ou enfin une réplique du tonnerre : « J’aurais besoin d’une brosse à dents ». Que de suspens !

Suivent des descriptions nunuches (mention spéciale pour les singes), une avalanche de parenthèse dans la narration – et les discussions ! -, des comportements pathétiques allant de « J’emmerde la police car je suis dyslexique » à « Je sais cuisiner : je fais des pâtes », et un sens absolu du deus ex minima avec des révélations plus anodines les unes que les autres.

Bref, pour résumer tout cela, rien qui ne vienne colmater les brèches multiples : Origine prend l’eau dès les 10 premières lignes et se noie à perte de pages, tandis que l’intrigue essentielle au récit tient sur quelques 5% de la totalité de l’ouvrage. L’enrobage servit autour ne tient pas la route une seule seconde et Abu-Jaber nous sert une daube cuisinée à outrance qui continue de puer bien des semaines après la digestion littéraire plutôt vomitive.

Prix du Polar – Editions Points (1)

Là, je reconnais que je me suis fait avoir. Mais le quatrième de couverture et la page de présentation sur internet sont tellement empathiques, que je me suis laissé piéger. Imaginez un peu : vous n’avez pas ouvert La ronde des innocents que Valentin Musso vous est déjà présenté comme un nouveau venu dans la cour des grands, un petit chose qui fait ses premières armes sur ce roman, planqué dans l’ombre de son grand frère Guillaume (je ne l’ai jamais ouvert, mais après ce qu’on m’en a dit, la lecture d’un bouquin de Marc Lévy m’a suffit, je ne veux pas passer pour un masochiste en ouvrant également Guillaume Musso), mais suffisamment indépendant pour s’attaquer aux pages tout seul comme un grand sous l’égide de Lehane (Mystic River, Shutter Island ou Un dernier verre avant la guerre – du grand nom en perspective), King (pourtant il n’a pas signé de polar le père King…) et Grangé (mouais, on a déjà vu mieux)…

Et paf ! J’ai pas été assez méfiant ; j’ai pris Valentin Musso pour un pauvre petit ourson en mal d’expérience, un Casimir qui aurait troqué l’île aux enfants pour le monde du polar, bref un auteur un peu téméraire qui demande beaucoup de protection et soulève beaucoup d’espoirs futurs par son style. Eh bien justement son style, au début il coule plutôt bien. Rien de fracassant, mais rien de mauvais, ça se lit et on tourne vite les pages. Du coup, vu que ça tient la route, j’ai suivi vitesse grand V, sans être emballé par l’intrigue mais en reconnaissant que l’écriture avait son côté attachant (Casimir je vous dis !).

Et puis, ça s’est mis à sentir un peu trop le remake, à laisser la resaucée prendre le pas sur l’original. D’abord, parce que Musso crache de la citation à tout va. Et puis parce qu’il vient jurer avec quelques noms bien en vue, King en tête et mentionné en toutes lettres suivi de Grangé pour le roman à deux voix, comme s’il était déjà devant un tribunal pour défendre son pain et son roman, et qu’il tentait d’assurer ses arrières au nom de ses aînés de façon un peu outrancière.

Du coup, ça vide pas mal le roman de ses quelques qualités un rien faiblardes mais néanmoins présentes. Jusqu’à ce qu’on en arrive à la seconde partie qui marque la fin du premier tiers de l’intrigue. Et là, patatras ! Tout ce qui commençait à construire une assise à l’intrigue donne l’illusion de se complexifier pour en réalité sombrer dans un amalgame bordélique et foireux d’éléments plus iconoclastes les uns que les autres. Musso semble avoir pris toutes ces pistes d’écriture, ses idées à peine réfléchies, en avoir fait un cocktail passé au shaker à la va-vite pour mieux les jeter en pature à ses lecteurs sans aucune réflexion constructive. Du coup, le résultat n’est ni juteux ni corsé mais assez infecte et mal préparé.

Tout se met à sonner faux : les 200 premières pages qui étaient jusque là censées virent dans un fantastique qui rappelle Le concile de Pierre de Grangé en appauvri (et pourtant, c’est pas gagné vu la qualité piètre de la référence) et un hommage raté au génie glauque de Stephen King, le tout en persistant à vouloir signer (singer ?) un thriller. Quand Musso embarque enfin son lecteur dans des archétypes vus et revus d’une pauvreté aseptisée, couronnant le tout par un deus ex machina final au rabais et, pire que tout, un flash-back insensé et inutile, on sombre dans un ouvrage d’une qualité médiocre.

Reste pour couronner le tout la plus belle erreur narrative qui soit : un récit commencé en partie à la première personne sans que cela ne se justifie le moins du monde au cours du récit – d’autant que le protagoniste en question n’est pas véritablement narrateur – et qui se termine, accrochez-vous, par un « il » tout aussi saugrenu, incapable de maintenir le choix narratif le long de ses pages de plus en plus pauvres.

Valentin Musso, une fois refermé, a un bon goût d’entreprise familiale : un récit qui s’ouvre sur le meurtre d’un frère que le protagoniste faisait jusqu’alors tout pour ignorer et, au cours des pages qui suivent, un texte desservi par un talent piètre qui fait dans le grandiloquent pour s’asservir un lectorat un peu naïf, toutefois un peu plus porté sur le morbide que ceux qui ouvrent Guillaume Musso. En attendant, on jette La ronde des innocents dans un coin avec la furieuse envie de recommander à son auteur d’ouvrir Freud plutôt que de nous faire perdre du temps avec ses histoires.



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