Ceux qui se disent au jardin

Publié le 04 octobre 2011 par Jlk

 

Celui que plus rien ne blesse que la mesquinerie / Celle que le besoin de dépenser angoisse / Ceux qui te disculpent de ce que tu n’as pas commis / Celui qui te laisse la place du mort / Celle qui te cède volontiers l’addition / Ceux qui ont l’art de se défiler / Celui qui retire prestement la tête au moment où le bourreau frappe dont la hache fend alors le genou gauche et ça maman ça fait mal même à un bourreau bourré de valium / Celle que le bourreau de son cœur attend à la sortie du bureau / Ceux qui remettent son congé au bourreau de travail un peu distrait depuis février / Celui qui se défaufile /Celle qui se la coule douce dans son bain de mousse sans se douter que pendant ce temps son boy friend se pend à la crémaillère / Ceux qui dépendent le pendu en affectant une mine tendue / Celui qui revoit Bad Lieutenant juste pour en entendre le cri de bête humaine blessée / Celle qui se dit en ménopause café / Ceux qui ont conservé le bâton gainé de cuir dans lequel leur oncle Léonce mordait pendant ses crises / Celui qui tape dans le dos du vieux chameau / Celle que les vengeances animales mettent en joie / Ceux qui cherchent noise à la belle vaseuse / Celui qui te dit qu’il va entrer en retraite comme s’il t’annonçait son propre deuil / Celle qui parle de sa retraite aux flambeaux / Ceux qui voient du Rohmer dans le dernier Quignard / Celui qui se prétend au jardin alors qu’il est en réu / Celle qui se dit en réu un alors qu’elle sarcle et marcotte / Ceux qui achètent Les solidarités mystérieuses rien que pour le titre / Celui qui aime son « être vital » et même plusieurs / Celle qui entretient un rapport à la fois ludique et angoissé avec les gastéropodes bisexuels et les garçons du même sexe / Ceux qui découvrent la bave de l’escargot sur le genou de Claire / Celui qui ose écrire qu’ « il pleut lentement » / Celle qui pleure légèrement à la vue du calendrier / Ceux qui se voient trop peu souvent admet la sœur aînée du sourd-muet affectivement dépendant / Celui qui s’est marié pour être libre et a divorcé pour le rester / Celle qui a toujours surpris son monde en se remariant souvent avant de se lancer dans l’étude du chinois / Ceux qui sont toujours plus ou moins amoureux sans le montrer, etc.

(Liste jetée en marge de la lecture du dernier roman de Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses, fine merveille)