Magazine Journal intime
Un aprem chez Noir Ken
Publié le 07 mars 2007 par Athénaïs De La Taille
Tu m’as pris dans un coin et tu m’as demandé-an si je pouvais t’emmener loin ou du moins essayer-an – haaan elles étaient vraiment magnifiques les paroles inventées par mon Gustave. Il lisait à fond dans mes pensées ou quoi bien sûr que j’avais envie qu’il m’emmène loin en vacances au Touquet par exemple je suis sûre que Grand-Mère serait d’accord pour nous prêter son manoir. En plus on avait trop les mêmes goûts Gustave et moi la preuve la suite de sa chanson parlait d’un chat projeté en l’air – franchement c’était tout ce qu’il méritait moi non plus je pouvais pas me piffer les gros vicieux à moustaches.
Tout ça c’était bien beau mais le problème c’est que j’arrivais pas à être plus proche de mon Gustave je veux dire physiquement bien sûr vu que mentalement on était exactement sur la même longueur d’ongles. Hélas à chaque fois qu’on le voyait il était toujours avec Joséphine pendue à ses basques telle une pelote – elle commençait à me mettre les nerfs celle-ci j’étais à deux doigts d’en découdre. Mais bon le seul moyen pour être près de Gustave c’était de côtoyer cette nouillasse alors pour l’avenir de mon couple j’ai décidé de me faire violence conjugale en accomplissant une chose incroyable et complètement dingue – une chose terrible que seule la force de mon amour m’a donné le courage de la faire.
Donc hier j’ai pris mon portable et j’ai appelé Joséphine. La dernière fois que j’ai dû en arriver là c’était au réveillon 2003 quand Rania et moi on s’était retrouvées enfermées par erreur sur sa terrasse de toit panoramique et qu’on avait pas le code pour redescendre chez elle. Je m’en souviens ce fut la croix et la Banette rien que pour trouver le numéro de Joséphine vu que je l’avais pas et Rania non plus – par le prophète qu’est-ce que tu veux que je foute avec ça elle m’avait engueulée. En plus la mère de Joséphine vu que son père était mort quand elle était petite s’était mise sur liste rouge et Anne-So restée à l’intérieur avait déjà pas de portable à l’époque. Résultat on a dû appeler en urgence les cabinets de son père rue Raynouard pour qu’il aille regarder dans le répertoire d’Anne-So – je vous dis pas c’était vraiment un cas de force majeur comme avait crié Rania en levant le sien vers Joséphine quand elle était enfin venue nous ouvrir. Bref.
Ouais-an m’a répondu Joséphine au bout de la troisième sonnerie avec l’accent gustavien qu’elle utilisait de temps en temps cette copieuse, saluuut Joséphiiine comment ça vaaa je me suis faussement excitée. Tina c’est toi elle a halluciné ben ça alors qu’est-ce qui t’arrive, rien rien rien je voulais juste prendre quelques nouveeelles c’est touuut j’ai chantonné gaiement. T’es sûre que ça va m’a tout de suite soupçonnée Joséphine, mais ouiii et toi copiiine j’ai continué, très bien merci tu sais ça me fait super plaisir que tu m’appelles elle s’est réjouie tiens si on allait faire les boutiques ensemble cet aprem. Eeeuh je sais pas trop il faut que je réfléchisse j’ai hésité – j’étais peut-être dingue mais pas encore masochic, comme tu veux a fait Joséphine en tout cas si ça te dit je vais dans une boutique très sympa et après je retrouve Gustave, OK je viens j’ai accepté direct puis j’ai raccroché tellement j’étais impatiente de revoir mon rock-cœur d’amour.
La boutique où m’a emmenée Joséphine s’appelait Noir Kennedy au début j’ai cru qu’on y trouverait que des tailleurs et des colliers de perles style Jackie Kennedy mais en fait pas du tout. A l’intérieur c’était une vraie caverne d’Ali Babar avec que des jeans ultramoulants plein de fringues noires et des vestes en cuir ou en fourrure – on aurait dit le dressing géant des Naast. Je peux vous aider les filles-an nous a verbalisées une vendeuse au carré très asymétrique orange en minirobe léopard leggings et bottines en croco violettes. Wouahou génial votre look l’a félicitée Joséphine on veut exactement le même, euh oui mais sans la coupe de cheveux j’ai précisé, OK suivez-moi-an a pas du tout rigolé la vendeuse. Dix minutes plus tard en sortant des cabines d’essayage en forme de cercueil on a failli pas se reconnaître Joséphine et moi – wouahou on est trop canooon elle a hurlé en admirant dans les miroirs artistiquement brisés sa tenue entièrement à base de têtes de mort. Oui c’est super j’ai menti vu que je me sentais pas trop à l’aise avec mon collant résille qui grattait ma jupe en cuir et mon dos-nu qui disait non au futur – heureusement que j’avais une grosse écharpe imprimée de guitares électriques pour me tenir chaud.
C’est ainsi accoutumées qu’on est allées rejoindre Gustave tout près de là dans un bar-tabac-PMU comme c’était marqué sur l’enseigne – sûrement un repaire de Poètes Merveilleux et Ultracools. Quand on est arrivées il nous attendait déjà beau comme un jeune dieu de l’Olympia ce qui était pas dur en comparaison des vieux moches et pourris qui se bourraient d’alcool autour de lui en fumant des cigarettes beurk. Hellooo s’est tout de suite jetée sur lui cette voleuse de Joséphine, salut-an a répondu Gustave ah sympa vos looks-an il nous a complimentées tel un parfait gentleman, ouais on est allées faire un tour chez Noir Ken ça déchire hein a sursurré Joséphine. Et pour ces messieurs-dames ce sera nous a agraissés le gros barman avec sa moustache dégueulasse, un lait fraise-an a commandé Gustave, un diabolo-menthe à l’eau a choisi Joséphine, euh pareil mais sans le diabolo-menthe j’ai demandé. Elle voudra des glaçons dans son verre d’eau a ricané le gros, non merci j’ai refusé il fait déjà assez froid dehors – sur ce tous les mecs dans le bar se sont éclatés de rire alors qu’il y avait pourtant rien de drôle vu qu’on était en hiver.
Haaan c’est génial cet endroit s’est ecstasyée Joséphine, ouais j’adore c’est trop authentique-an a fait Gustave en emmitouflant dans son boléro en chaud lapin, tu viens souvent je me suis renseignée discrètement pour savoir quand l’espionner adéquatement. De temps en temps-an a avoué Gustave j’aime bien m’imprégner de la vraie vie des vrais gens pour mieux me livrer à mon art-an tu vois ce que je veux dire-an, complètement j’ai fait semblant vu que j’avais rien compris à sa phrase. Là-dessus le gros barman s’est pointé avec nos commandes et sans faire exprès il a maladroitement renversé le lait fraise sur le boléro de Gustave – haaan mais ça va pas non-an a crisé celui-ci en s’épongeant avec un Kleenex. Quand le gros a voulu l’aider avec un bout de son tablier tout taché il s’est mis à hurler me touche pas vieille merde prolétaire-an puis il a dit venez les filles on se tire de ce bouge-an. Du coup on a suivi Gustave qui pendant tout le trajet du retour à Passy arrêtait pas de râler contre les mecs du bar-tabac en répétant que de toute façon c’était tous des gros poireaux. Franchement j’avais rien remarqué pour moi le seul de la bande qui se rapprochait à peu près d’un légume c’était cette patate de barman – ah les artistes de génie ils remarquaient vraiment des détails qui échappaient au coma des mortels.