Le problème que j’ai toujours eu avec Djian, c’est que je confonds les histoires.
Les personnages s’appellent toujours pareils (ou presque), les caractères, les intrigues sont sensiblement les mêmes.
J’aime bien (sinon je ne lirais pas) mais quand il faut me rappeler tel ou tel détail, je confonds et ça me demande un effort supplémentaire pour me souvenir que non, Ça c’est un baiser, je n’ai pas aimé, c’était Vers chez les blancs qui était pas mal…
Les deux derniers livres de Philippe Djian n’échappent pas à la règle.
Les héros s’appellent Marc. Exit le Philippe (sauf le Marc de Vengeances qui aurait aimé s’appeler Philippe, tiens…), on passe au Marc, réminiscence sans doute de Doggy Bag.
Fumeur, buveur à l’excès, drogué. Au singulier, vous voyez, les deux se confondent déjà dans mon esprit (malade qui lit les deux bouquins d’affilé… oui, bon, je fais de la boulimie quand il s’agit de Djian, j’y peux rien, il a une prose addictive)
Les femmes aussi se confondent : Myriam et Marianne dans Incidences, à tel point qu’à un moment, j’ai confondu et n’ai plus rien compris (jusqu’à ce que je me rappelle que NAAaan, elle, c’est Marianne, c’est pas Myriam…) Effet sans doute volontaire puisque Marc a des relations ambiguës avec elles (mais aussi quelle idée de nommer tous les persos principaux en M… ?)
Dans Vengeances, on retrouve les personnages récurrents de Djian : Elisabeth (absente, mais on en parle) et Gloria (c’était dans Maudit Manège, nan ? Y’a déjà eu une Gloria, ça j’en suis sûre…), et puis la femme du meilleur ami qui provoque des tensions sexuelles avec le héros (amant/ancien amant… on retrouve ça dans Assassins).
Passons, un auteur a le droit d’avoir des récurrences, c’est à ça qu’on le caractérise.
Les histoires, par contre, m’ont déçue. J’avais lu une critique (peut-être un peu méchante) qui parlait de livres de « commande » ou pour payer ses impôts. Ce n’est pas ça : on n’a aucune difficulté à tracer les ficelles (les cordes devrais-je dire), on devine la fin bien avant qu’elle n’arrive.
Ce qui caractérisent ces deux histoires, ce sont les ressorts qu’à toujours utilisé Djian : sexe, acte créatif (un écrivain râté – encore ! – dans Incidences et un artiste de street art vieillissant qui ne fait plus que de l’art de galerie dans Vengeances) et violence.
Violence surtout, c’est sans doute ça qui m’embête : le recours à la violence systématique et la fin, évidemment, qui ne peut être que brutale et agressive. Sans doute une raison pour laquelle on la voit arriver à des kilomètres : quand on connait les autres livres de Djian, on ne s’en étonne même pas. Je suis sans doute blasée parce que ça n’éveille en moi rien d’autres qu’un léger dégoût, alors que l’auteur passe son temps à essayer de nous faire comprendre que la violence, c’est pas bien, ça mène à la catastrophe.
Dans Incidences, la violence n’est pas visible puisque jamais décrite. Le héros a des absences. Mais on passe tout le récit à deviner ce que personne d’autre ne soupçonne autour de lui. Quoique… Et puis, il y a la violence de la société (mince, M.Djian doit vivre aux Etats-Unis pour avoir des vigiles de supermarché si hargneux et des policiers si détestablement violents…) qui est contre le héros. C’est de la parano (ce n’est pas la première fois chez l’auteur) mais bon, le type n’est pas net.
Dans Vengeances, la violence est partout. Ça commence avec le suicide d’un fils sous les yeux de son père (sur lequel l’histoire n’insiste pas vraiment, dommage, ça aurait pu être intéressant… mais pour la disparition d’un être cher, reportez-vous à Impuretés) et ça n’arrête pas jusqu’à la fin. J’ai cru un instant qu’on partait sur une étude de la génération Y (alcoolisme précoce, volonté d’autodestruction et vision pessimiste de l’avenir), mais non. Dommage.
Nouveauté par contre, cette volonté de ne pas tout dire, de garder une part de mystère sur la violence de ces personnages : mais si l’enfance maltraitée de Marc (Incidences) s’explique dans l’histoire, celle de la vie secrète d’activiste (agent secret ? terroriste ?) de Marc (Vengeances) n’est qu’une anecdote qui ne semble là que pour donner au roman une portée plus mystérieuse. Après tout, les artistes-espions ne courent pas les rues (et franchement, vus qu’ils sont bourrés au dernier degré et prennent encore leur voiture, ce n’est pas un mal !
Rien de transcendant comme Echine ou Lent Dehors, qui étaient moins violents et surtout beaucoup plus intéressants à mon avis, par leur étude des relations complexes entre les personnages.
Bref, les deux derniers Djian sont du Djian tout craché, donc les amateurs apprécieront mais seront sans doute, comme moi, un peu déçus par le manque de portée de tels livres : j’en suis ressortie avec l’impression que l’auteur aurait pu aller plus loin dans l’études des personnages et se passer des artifices grossiers pour animer l’histoire. Avec un nom et un public comme le sien, il pouvait se le permettre…
(Note : Vengeances alterne scènes à la première personne et à la troisième personne, ça peut dérouter, d’ailleurs sur la fin, c’est déroutant, mais peut-être que cela aurait pu être poussé plus loin tant les différences entre une vision intérieure et une extérieure peuvent être grande… et finalement, là ne le sont pas tant que ça