Ce matin, à ma grande déception, j'ai dû réveiller Fillette. En vacances.
Nous avions plus que 2 heures de route à faire pour aller la déposer (ainsi que ses valises, couvertures, sac de couchage et oreiller) au camp de vacances.
C'est un camp spécial, pour enfants diabétiques. Aucune inquiétude à avoir, médecins et infirmières 24 heures sur 24, injections et glycémies supervisées, plan alimentaire personnalisé, 4 campeurs pour une monitrice, mais le reste, comme un camp de vacances normal. Comme quand moi j'y allais, quand j'étais petite. Tir à l'arc, canot, tennis, survie en forêt, écologie, excursions, voile, soccer, jeux, baignade, basket, tennis, et j'en passe.
Le tout entouré de gens sensibilisés aux hypoglycémies, aux collations multiples, aux seringues, aux fioles d'insuline. Garçons et filles diabétiques auront la chance de vivre une expérience de camp comme les autres. Paix d'esprit pour les parents. Pause bien méritée pour les parents qui n'ont pas à se soucier des horaires fixes, des contraintes, des injections, des refus de manger, etc.
Paix d'esprit pour Fillette qui n'a pas à apporter tout son attirail, car tout est fourni par le camp. Oui oui, tout. Elle est partie comme avant, avant que la maladie ne frappe, juste elle et ses bagages. Rien d'autre.
Je lui avais raconté mes étés dans des dortoirs remplis de lits superposés. Mes amitiés estivales, mes activités que je ne ferais pas ailleurs, mon groupe de garçons de 8 ans lorsque j'étais monitrice, le chocolat chaud dans les chambres, les feux de camp, les guimauves, les chansons.
Elle s'était fait une idée de ce que seraient ses 11 nuits. Jamais aussi longtemps partie de la maison. Jamais aussi longtemps loin de nous.
J'ai donc dû la réveiller avant de faire la longue route vers les Laurentides. Une fois arrivées, environ 50 personnes, adultes et enfants, jouaient au ballon. Je demande à un employé où on doit aller. Il va chercher celle qui sera responsable de ma fille pendant les 12 prochains jours. Je questionne : elle est elle-même diabétique, monitrice au camp depuis 4 ans, étudiante en psychologie.
Elle nous mène vers la tente D. Oui. La tente. Tout à coup, je comprends la demande de 2 couvertures de laine en plus du sac de couchage. Car il peut faire frais le soir, dans les Laurentides. Quand même, un plancher de bois sert de base à la tente qui abrite 5 lits de camps aux matelas trop mous.
Je l'aide à faire son lit. Elle rencontre les 3 autres filles de 11 ans qui partageront sa tente. Elle ne parle pas beaucoup. Ne sourit pas. Je la sais nerveuse.
En sortant de ladite tente, elle me regarde, déçue. Elle s'attendait à des lits superposés. Oups. Mea culpa.
On se met en ligne pour rencontrer le médecin. Une autre ligne pour rencontrer la nutritionniste. Une autre ligne pour le niveau de natation.
Ensuite, je devais m'en aller. Je n'avais plus rien à faire là. Elle échangeait déjà son adresse courriel avec sa nouvelle copine. Je l'embrasse, lui dis au revoir. Elle, aucunement émotive, me dit au revoir. Je suis un peu surprise, mais non finalement. Elle ne montrerait jamais qu'elle a du chagrin devant les autres.
Elle devrait revenir de ce camp complètement autonome relativement à la gestion de son diabète. Elle pourra s'injecter seule. Je n'aurai plus besoin de débarquer à 8 h le matin chez ses amies quand elle y a dormi pour la piquer avant qu'elle mange. Je ne serai plus stressée d'être prise dans le trafic et de voir le temps passer en sachant qu'elle doit avoir son injection à telle heure. Ou de tout laisser en plan à l'épicerie parce qu'il y a trop de gens devant moi et que j'arriverai en retard.
Elle devrait moins dépendre de moi. Et moi, souffler un peu.
D'ailleurs, ce soir, on a dérogé à l'horaire en son absence. On a mangé TARD. Quand on voulait. On a retrouvé une parcelle de notre vie d'avant.