Magazine Journal intime

Une vie au grand magasin

Publié le 22 février 2007 par Spicynico

Je regrette d'avoir des employés. Eux profitent de la vie trépidante des grands magasins, eux peuvent édifier une étude sociologioque terrifiante sur les relations entre les différents corps de métier, sur l'organisation obsessionnelle du travail. Ils vont avoir de quoi remplir des dizaines de blogs, et moi je n'en profite pas. J'ai pas de temps, pour réfléchir, penser, trouver des idées, observer. Je travaille trop. Il me faut encore créer des boîtes cadeaux pour le magasin près de Saint-Lazare et aussi celui de Vélizy, c'est la coordinatrice commerciale qui me l'a dit. Flûte.

 Mais comme j'y passe de temps en temps, voilà quelques rapides clichés de ces magasins :

- les clientes te demandent toujours ce qui n'a rien à voir avec ton rayon ; ce matin, une dame me demande où sont les pyjamas. Je lui dis : pour femme ou pour homme. Elle me dit, pour homme. J'ai failli me dire qu'évidemment elle ne faisait plus depuis longtemps de soirées pyjamas. J'ai failli lui dire que moi je m'en fous, je dors à poil. Mais non, on est dans un grand magasin. Alors je lui ai dit : à l'étage du dessus ? Elle me montre agacée le rayon juste à côté de mes babas au Limoncello, évidemment, des fringues pour homme partout. Je finis pas lui dire que je ne suis pas du magasin.

- la réalisation des paquets cadeaux est très codifiée. Il faut mettre trois (le chiffre est souligné) morceaux de scotch de chaque côté ; c'est écrit sur un pannau d'affichage à l'entrée du personnel.

- l'entrée du personnel, justement. Tu y vois passer des gens qui n'existent pas en dehors du magasin. Les vendeuses des grands magasins n'ont pas de vie à l'extérieur, je ne sais pas où elles vont quand elles finissent leur journée. Maquillées, coiffées, habillées et parfumées comme ça, ça n'existe pas.

- près de la gare Saint-Lazare, on te dit de te présenter à un numéro de la rue de Provence ; quand tu y arrives, on te dit de faire cinq cents mètres sur la droite pour retirer un badge sociétés extérieures ; quand tu l'as, tu refais les cinq cents mètres dans l'autre sens, tu le montres, tu entres, tu te perds parce que le magasin n'est pas encore ouvert et que toi aussi tu ne peux pas demander à la vendeuse des parfums Gorejadore ou se trouve le rayon passoires. Pas étonnant qu'ils soient tous maigres là-dedans ; ils font du sport toute la journée.

Mon magasin fait trente-six mètres carrés, sans compter ma cave ; et c'est moi qui ai fait la majorité des travaux. Près de la gare saint lazare, ils en ont cinquante mille. Je vais pas me plaindre.


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