pourquoi herbert ?

Publié le 14 janvier 2007 par Spicynico

Un de mes fidèles lecteurs (je vouS remercie tous au passage) n'aime pas Karajan. J'ai déjà indiqué que j'avais à peu près le même avis que lui. Mais un début de débat est apparu lors d'une note récente. J'ai préféré résumer ma pensée dans cette note, car je crains d'être un peu long.

Premièrement, pour répondre à Chacha : évidemment, Karajan, c'est mieux qu'Eschenbach ; il n'y a qu'à écouter l'interprétation que fit ce dernier de la deuxième de Mahler lors de la réouverture de Pleyel pour s'en rendre compte : pour réussir à s'ennuyer à ce point dans cette oeuvre, il faut presque du talent. J'en avais déjà parlé dans cette colonne.

Deuxièmement, je n'ai pas une vision monolythique de Karajan. Certaines de ses interprtations me sont indispensables, comme Verklärte Nacht de Schoënberg, un enregistrement historique et essentiel.

Presque trop. Karajan a su (par son génie visionnaire de l'enregistrement) se rendre indispensable. Mais voilà, il voulait trop contrôler son image, la maîtriser jusqu'au bout ; des générations de mélomanes débutants ont vu en lui l'archétype de la direction d'orchestre, froide, dirigiste au possible, sachant où il voulait aller, contrôlant jusque dans la souffrance de l'âge le moindre de ses gestes et de ses cheveux (les films de lui dirigeant la Cinquième de Beethoven par HG Clouzot sont tout à fait révélateurs). Jusqu'aux techniques d'enregistrement (qu'il a certes faites progresser), jusqu'à la mise en scène (quelques images où il est sur scène en train de trimballer quelque Walkyrie de droite et de gauche).

Aucune sensualité dans ce corps, aucun regard complice, aucun sourire. Et c'est pareil dans la musique qu'il dirige, plus sacrée que dieu lui-même, plus désincarnée plus il vieillissait. Quant à son rapport à notre histoire, je n'ai pas l'habitude de jauger les hommes sur un passé commun dans lequel la destinée individuelle est complexe à interpréter ; le fait que jamais un mot ne sortit de sa bouche pour évoquer ce qui s'était passé de pire est plus grave.

Et enfin, écoutons. Le Ring de Solti, plein de vie, de saveurs, de tensions comme le corps de ce chef.
Et aussi, regardons. Regardons diriger Bernstein, déchaîné, sautant sur son estrade, les yeux en flamme. Celibidache, imposant, sachant garder dans Bruckner un regard malicieux, une main en visière entre les mouvements pour regarder le timballier, au fond de l'orchestre. Un sourire, un regard plein de vie. Carlos Kleiber, enfin : perfectionniste aussi, exigeant aussi, et musical plus que tous.