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Mogador

Publié le 11 octobre 2011 par Ctrltab

Mogador

C’est la première fois que tu es là-bas. Dans une maison ouverte, fouettée par le vent. Les fantômes errent. Ils pleurent dans un solo de guitare la tristesse  infinie d’avoir quitté le Rif et le Kif d’ici-bas. Ils s’appellent Jimi Hendrix ou Mustapha. On appelle leurs esprits à la lumière vacillante d’une bougie dans l’espoir naïf que les tables tourneront. C’est inutile. Il suffit d’écouter leurs complaintes entre les béances du riad loué la nuit pour 200 dirhams. Main sur la cœur, promis, « et c’est pas cher, mon frère. »

Toi, ces fantômes, tu les connais déjà. Tu les as rencontrés au bord de la piscine aux portes de Ouarzazate. Sabri les a chassés de ton délire. 41°c. La fièvre t’a clouée au sol, tu n’iras pas plus loin. Tu découvres un autre mystère encore plus grand que le désert. Tu guéris sous les mains du guide. Il prononce des paroles que tu ne comprends pas. Il chante. Un sorcier. Ta raison se rebelle. Pourtant, sous l’effet salvateur de ses incantations, tu es bien obligée de t’ouvrir au sacré et à l’au-delà. Quelque chose fond en toi. Tu acceptes. La vie a la froideur implacable du chocolat enrobé d’un absurde goût d’absolu au fruit de la passion.

Tu tombes amoureuse. C’est physique.  Les saveurs mêlées du cuir et du sel, de l’argan et de l’olivier, du sucre et de la menthe.

Tes cheveux forment des nœuds inextricables. Ils sont trop fins pour les brosses d’ici. Tu retombes gravement malade. Ta peau est contagieuse. On parle de rapatriement. Il s’agit en fait de renaissance.

Le vent souffle comme un vœu et prononce le nom de la ville où tu renais. Entremêle d’un seul mot l’obscurité d’un oui et le cri enfantin d’un houra.

Essaouira, cité sauvage lessivée par son histoire. Cherche son nom perdu. Etincelant de rêves étrangers et de soif d’or.

Tu n’es pas d’ici mais tu reviendras toujours là.


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