Magazine Journal intime

« Hurry Up We’re Dreaming » – M83 (17 octobre 2011-Gooom)

Publié le 12 octobre 2011 par Routedenuit

C’est l’histoire d’une prise de court, d’un saut à la gorge, d’une proie à la merci de l’agresseur. D’une proie lascive qui prend plaisir à son supplice. C’est l’histoire d’un disque qui dès les premières notes instaure un état de transe, provoque un réflexe d’abandon. Rien ne sert de lutter. Alors pourquoi ne pas céder ? 

Susciter la transgression. On hésite néanmoins. Culpabilité de se jeter à corps perdu dans cette sensation étrange de liberté que procure un morceau. Réflexe de survie, c’est un piège. Pourtant, à l’image des sirènes, il n’existe à ce moment précis rien de plus libre que le saxophone de « Midnight City », rien de plus inavouable que l’envie de se laisser tomber dans l’abîme de la pensée zéro. Il n’existe rien de salvateur que de céder à la tentation. Réagir à chaque vibrations, laisser parler le corps, supprimer les contraintes. Faire sauter chacun des verrous sur la grandiloquence de « This Bright Flash », et oublier d’où vient le vent.

Finir par rendre les armes. « Where the Boats Go » est une promesse, un voyage initiatique vers une terre inconnue. Le périple est calme, cotonneux et terriblement lent, comme pour mieux profiter de cette déconnexion, de ce pont entre deux continents. Rien ne sera plus jamais comme avant. Des hurlements déchirent le ciel, au loin. Mais ce n’est pas important. Ces choses-là n’ont pas prises ici. Voilà la terre. « Raconte-moi une histoire », une voix d’enfant qui dit de « continuer à rire, à rire, à rire encore ». Une voix d’enfant qui s’émerveille du plaisir de faire les choses sans réfléchir. La voix d’un enfant qui ne sait pas ce qu’est l’insouciance parce qu’ici, ça n’existe pas. On n’en a pas besoin pour se faire des souvenirs. On est bien ici. Tu verras… « Soon my Friend ». Soon.

Pourtant au loin, le tonnerre gronde. L’orage investit l’atmosphère. Il pleut. Des cordes. Des cordes qui remplissent la mer d’une eau dont elle ne sait quoi faire. « My Tears Are Becoming a Sea ». Cet univers qui se délite peu à peu n’existe pas. À la manière d’une illusion, le brouillard se dissipe et nous laisse seul face à l’amertume d’y avoir bien trop cru. Ce n’était pas ici. C’est une quête, un périple épique. On n’a rien sans rien. « New Map », nouveau voyage. Nouvel horizon. Somewhere else… somewhere else, comme dit la voix. Suivre le piano de « Splendor ». Aveuglément. Le soleil s’est de nouveau levé. Pas une brise sur le visage. Des enfants, d’autres enfants. Ils sont nombreux, bienveillants. Et ce sentiment de voguer vers nulle part. Fatigué. Des corps en suspension évoluent sur un bruit sourd, spectral. Les couleurs se dissipent. Lentement.

Chercher le sens. Je reconnais cette forêt, ce n’est pas une forêt ordinaire. C’est une forêt de souvenirs, mes souvenirs. Le bateau a disparu. Les arbres ont remplacé la mer. Je regarde mes mains, je caresse mon visage, j’ai vingt ans. Il fait noir, terriblement noir. On aperçois vaguement la lune. Choc dans la poitrine. « Echoes of Mine ». Reconnaître l’endroit. L’odeur. La lumière. Ouvrir les yeux.

Comprendre. Il n’y a plus de bateaux. Plus de forêts non plus. Seulement le vide d’un lit encore chaud. Quatre murs et une porte pour un si long voyage.

Hurry Up, We’re Dreaming…

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PS : L’album est disponible en écoute en cliquant ici.



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