Au bord du ciel

Publié le 15 octobre 2011 par Jlk

Notes de l'isba (17)

De la clarté. – J’avais lu quelque part et noté que l’esprit ne créé pas mais qu’il rend clair, et c’est vrai que l’esprit a ça de bien et de bon qu’il éclaire l’objet, d’ailleurs même l’idée devient objet à la lumière de l’esprit, à commencer par cette idée que l’esprit « rend clair » que je retrouve ce matin dans ce livre de 535 pages à couverture blanche et bleu pâle, intitulé Notes ou de la non-réconciliation prématurée, avec un petit portrait photographique de l’auteur, Ludwig Hohl, en couverture, qui a la tête d’un poète des pays de l’Est dans les années 50-70  - l’époque même de la non-réconciliation politiquement entretenue – donc je reprends ce livre tissé de pensées éclairantes, je relis la note 23 du chapitre Ecrire dont l’exergue est de Karl Kraus (« le poète doit vivre davantage ? Mais c’est ce qu’il fait ! »), et je m’arrête ensuite à la note 26 où Ludwig Hohl écrit : « Les poètes méditent ce que médite tout un chacun. Simplement ils sont plus assidus. Ils s’emparent de la chose, Nous sommes dans les choses comme le poisson dans l’eau. Mais le poète saisit l’eau »…    

   De la réalité. – On sait, on sent très bien ce que c’est, mais on préfère ne pas la voir ou l’avoir trop souvent à l’esprit. Or je ne pense, ici à l’isba, dans cette sorte de position en promontoire au bord du ciel, littéralement qu’à elle. Céline disait qu’elle se réduit en somme à la mort et que tel est notre horizon, mais ça se discute. On peut tout, en effet, juger en fonction de nos fins dernières, qui sont le bout de la nuit d’une réalité purement physique, mais ouvrir une nouvelle fenêtre dans la paroi de l’isba ou dessiner les plans d’un petit clocher à venir, et dessiner la forme de la cloche, comme en Russie où l’herbe a repoussé depuis longtemps sur la tombe d’Oblomov, est aussi un aspect de la réalité plus que physique... La nature est aussi une bonne base continue – et quand je dis nature, à l’instant, je pense autant à la clarté de Voltaire qu’à la poésie de Rousseau.

Par les deux bouts. – Je lis en même temps Les foudroyés de Paul Harding, très émouvante chronique poétique des derniers jours d’un vieil original passionné par les mécanismes d’horlogerie, et l’admirable Enfance obscure

de Pierre Péju, qui explore les multiples aspects de ce qu’il appelle l’« enfantin » dans la foulée de Walter Benjamin, de Kafka, de Victor Hugo et de divers autres auteurs qui ont éclairé  le clair-obscur de nos sources, sans compter évidemment ses propres plongées dans l'enfantin – et c’est approcher la vie par ses deux extrémités, souvent en consonance…