"De l'autre côté du miroir"

Publié le 19 août 2006 par Thierry

Après avoir passé le début d'après-midi à la terrasse de la Voute -en plein coeur de la Grand'Place- avec L. et E., et le début de soirée à la même terrasse avec S., j'ai finalement renoncé à rentrer chez moi pour rejoindre les filles, en train de se goinfrer chez E.

Très vite, les hommes deviennent le principal sujet de conversation. Le couple, l'adultère. Le sexe, l'amour. Les dates, les exs. Allongé par terre, affalé sur le canapé, ou adossé à la terrasse, les échanges fusent. Ce que l'on pense d'eux. Ce qu'ils pensent de nous ("Tu sais, je ne marierai qu'avec une juive..." "Euh Doucement, c'est le premier rencart, la première demi-heure... T'emballes pas !") ("En fait, t'es pas si conne !" "...") ("T'es magnifique ! T'es vraiment magnifique... Je crois que je t'aime" "Euh.... Ben merci... Mais, tu sais, c'est pas possible... On ne se fréquente que depuis une semaine !")

L. est une conteuse hors-pair. E. est d'un cynisme mordant. Je suis d'un libertinage inouï. Eclats de rire, aveux douloureux, échanges de points de vue, affrontements d'opinions, fous rires interminables. Le cendrier est rempli, l'assiette vide. Il est 23.00, et E. n'a toujours pas reçu son coup de fil.

"On devrait bouger !

- Si on allait boire un verre !"

Nous voilà tous trois à la recherche d'un bar. On s'arrête à l'angle de la rue Basse et de la rue Lepelletier. "Vous êtes déjà allé dans ce nouveau truc ?" On l'avait tous repéré quelques jours auparavant, mais personne ne l'avait encore testé. On entre donc dans ce Bar Parallèle. Et passons de "l'autre côté du miroir"... Si on avait su...

Le bar est très mignon. Petit mais charmant. Le serveur est d'une gentillesse rare. Si la musique n'est pas fabuleuse, la déco est vraiment agréable. Tables en bois abimé, genre bancs d'école. Couleurs flashy, genre chambre de gosse. Oeuvres originales sur les murs. Un mélange de charme désuet -tabliers pour les serveurs, menus écrits à la craie sur tableaux noirs, et petites planches de saucisson- et de suffisamment de moderne pour être hype. Et une pointe d'humour qui flotte dans l'air.

Parce que de l'autre côté du miroir, apparemment, on ne se prend pas au sérieux !

Nous non plus, pas sérieux, continuons sur notre lancée. Martini, Vodka, saucisson et éclats de rires. E. s'impatiente de plus en plus. Toujours aucune nouvelle. Mais on est plus que ravis de ne pas m'avoir écouté, lorsque j'ai insisté pour qu'on reste en terrasse, tant la pluie tombe. L. et E. se carressent leur tignasse brushée en me lançant des regards noirs. En même temps, pouvais pas savoir ! Et puis, à l'intérieur, la chaleur est limite étouffante.

Quand d'un coup, je vois passer un mec par la fenêtre. "E., c'est pas D. qui passe là ? ?" Si, le mec, là, sous la pluie, avec une meuf, et une portion de frites à la main... Bouches bées. Silences. Lille n'est décidément qu'un village...

Pour en avoir le coeur net, L. sort du bar, et le suit. Je tente de rassurer E. qui commence à s'énerver. "C'est p'têt' sa soeur...

- Il est fils unique... 

 

- Ou sa cousine... Ou une lesbienne !"

Et puis ce n'est qu'un gars, nénette... C'est normal qu'il voit d'autres gonzesses, même si vous êtes en plein dating. Faut bien tirer sa crampe de temps en temps ! L. revient. "Elle porte un manteau long marron et un jean, mais franchement pas terribles, ses fringues, et puis elle avait vraiment pas l'air bien foutue, en plus elle porte un manteau, alors qu'il pleut depuis 10 minutes, c'qui veut dire qu'elle le portait avant, alors qu'il faisait 30°, genre la nana complètement frappée !" "Laisse tomber, c'est tout... Profite, on est entre nous, laisse tomber... Nous on est là !" "Et j'te jure, j'aurai niqué mon brushing pour personne d'autre, chérie."

Mais essayez d'empêcher une fille de partir en vrille et de brider son imagination, quand l'homme qu'elle fréquente vient d'être aperçu au bras d'une autre nana, alors qu'ils devaient se retrouver dès qu'il sort du boulot. Je vous le dis, c'est impossible. "J'en ai marre de toujours tomber sur des connards." On insiste pour qu'elle lui laisse le bénéfice du doute. Elle ne lui laisse rien du tout. 

Son portable sonne. C'est un message de lui. Il lui demande si elle dort. Est parti boire un verre avec une amie. Aimerait beaucoup la voir. L'embrasse.

Une amie... La seule solution que l'on avait pas envisagée. Elle s'en fout. C'est pas normal. Il devait la voir, elle. Je lui dit qu'on ne sait rien. Que si ça tombe, cette nana vient de se faire larguer. Elle ne veut rien entendre. "Attends. Imagine. Tu as rendez-vous avec le gars, et A. t'appelle à 23.00 parce qu'elle vient de se faire jeter par G. Tu vas à ton rencart ou tu fais passer A. en priorité ?" Elle ne répond pas. Elle sourit. On insiste pour qu'elle l'appelle.

Parler de A. nous a fait réaliser qu'elle nous manquait. La chaise vide de la soirée. On l'appelle. Mon portable passe de mains en mains. E. lui demande conseil. Finalement elle se résout à lui envoyer un message lui proposant de nous rejoindre.

1.30. Pas de nouvelles. On se décide à quitter les lieux. On ramasse quelques sucettes, en libre-service sur le comptoir. il pleut averse. Ma chemise me colle à la peau, L. ramasse un carton pour se protéger, et E. se sert de sa veste comme cagoule. Nous faisons affreusement de la peine à voir.

E. est en colère. L. désespérée pour ses cheveux. Moi, je suis mort de rire. E. hurle. Elle a reçu un message. Son visage s'illumine. D. est au Bar Parallèle. On fait demi-tour. Il explique qu'il avait envoyé un message vers 21.00, lui demandant ce qu'elle voulait faire, et n'ayant pas de nouvelles, il a fait la soirée de son côté. Elle n'a pourtant rien reçu. Il lui montre le message envoyé. Elle sourit. Ils s'embrasse. On le quitte. 

"J'me sens vraiment conne...

Ben tu peux...

Quant au Bar Parallèle ? Ben, hop, paf, place to be...