Magazine Journal intime

Déjeuner en ville

Publié le 17 août 2006 par Thierry

Il existe plusieurs sortes de déjeuners. Les déjeuners d'affaires, les déjeuners mondains. Les déjeuners galants, les déjeuners entre amis. Les déjeuners en terrasse et les déjeuners sous la pluie. Les déjeuners sur le pouce et ceux qui durent des plombes.

Et puis certains déjeuners sont plus difficiles à classer. Ceux où vous vous retrouvez fâce à quelqu'un que vous n'aviez pas vu depuis longtemps. Que vous ne connaissez pas si bien que ça, d'ailleurs. A dire vrai, lorsque vous arrivez sur la Grand'Place, avec votre chemise si cintrée qu'elle vous empêche presque de respirer, et votre treillis flambant neuf, vous vous demandez presque ce que vous faîtes là. En plus, vous êtes en retard. Évidemment. Mais c'est parce que vous avez encore hésité trop longtemps pour le choix de vos chaussures.

Penser à retirer du cash. Prendre une attitude un brin désinvolte. Où est donc passée cette foutue carte bancaire ? " Oh non, c'est pas vrai....". Penser à (re)faire opposition... Merde, votre téléphone ! Un si petit sac, et autant de choses dedans. Vous vous demandez encore comment vous faîtes. Et voilà, votre sac est tombé. Accroupi sur la Gd'Place, vous voilà en train d'essayer d'attraper votre petit Samsung, tout en essayant d'éteindre votre iPod, de revérifier pour votre C.B, et de conserver un semblant de dignité.

Voilà M. qui s'avance vers vous. Automatiquement vous basculez en mode séduction. Oh, c'est pas que vous le faîtes exprès ! C'est naturel chez vous... Vous savez que c'est quelque chose dont vous pouvez être sûr. Une des rares choses, peut-être. Large sourire, mélange subtil d'aguichage et de timidité... Enfin bref, vous savez... Si ce n'est que le coup de la C.B n'était pas prévu, et que c'est peut-être un peu gros... Vous êtes embarrassé. Vous savez qu'il vous aurait très probablement invité à déjeuner, mais c'est pas pareil. Là, ça fait pétasse. Mais bon, pour le coup, c'est pas de votre faute. Cette bonne vieille poisse qui s'acharne...

Déjeuner chez Envies de Saison. Celui place de Bettignies. Gêne, puis discussion. Petit à petit, on se détend. Vous vous détendez. Vous savez que l'autre ne cherche pas à vous séduire. Vous discutez. De vous, de lui. De votre Cher & Tendre, et du sien. De vos boulots respectifs. Le déjeuner se tranforme en café à Notting Hill. Celui Place des Patiniers. Double expresso à la noisette pour lui. A la cannelle pour vous. Vous discutez, vous fumez. Vous parlez de sexe, de couple. Des expériences que vous avez eues. Des choses que vous avez vécues. Des hommes que vous avez connus. De ceux qui vous attirent le plus. De vos rencontres avec vos C&Ts respectifs. Des différentes villes et personnes que vous avez connues. Vous lui parlez de cette liaison que vous entretenez avec votre ville. De l'amour que vous portez à cet homme si différent de vous. Vous vous confiez. Vous l'écoutez. Vous riez. Beaucoup. Finalement, ça ne se passe pas si mal.

Vous vous baladez dans les rues du village. Il vous parle de votre blog. Vous lui parlez de ce que vous aimez dans le fait de faire ça. Du plaisir d'écrire. De votre effarement face à l'intérêt que vous pouvez susciter. Il vous parle de votre parti-pris. Oui, il y a un parti-pris. Lille est un personnage à part entière. Et vous, vous êtes l'incarnation de la légèreté. Il y a tellement de choses chiantes et sérieuses dans la vie, vous n'allez pas en plus en écrire.

Vous retirez de l'argent. Lui demandez combien vous lui devez. Évidemment il refuse. Men are so predictable... Alors vous lui offrez un verre. Terrasse du Lina. Vous repensez à cette conversation avec un ami, sur les privilèges de la beauté. D'ailleurs, vous savez que vous lui plaisez. C'est agréable. C'est gênant. Cela vous embarrasse, mais vous en jouez. Vous aimez lui plaire, mais vous lui parlez de C&T tout le temps. Vous êtes comme ça. Vous êtes complexe, entier, multiple. Et l'homme qui est face à vous s'intéresse à vous. Non pas pour ce que vous êtes, mais pour ce que vous êtes. C'est pour cela que la séduction s'évapore. Vous discutez à coeurs ouverts.

S. appelle. Vous parliez de lui, justement. C'est la personne que vous avez en commun. Vous allez le retrouver. Ca fait un bail que vous ne l'aviez vu ! Devant sa résidence, vous voyez son ombre se profiler à travers les baies vitrées. Mode séduction réactivé. C'est automatique. C'est usant. C'est inné. C'est inévitable.

Vous les quittez. Regardez leurs yeux avant de partir. Il s'en dégage beaucoup de choses. Mais là vous réalisez quelque chose...

Ok, vous plaisez toujours. Et c'est vrai que c'est un truc sur lequel vous avez besoin sans cesse d'être rassuré. Et en même temps, vous savez que les seuls yeux qui comptent aux votres, ce sont les siens... Alors, vous souriez, et dégainez votre téléphone.

" Salut mon doudou... "

Il est l'heure de rentrer...


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