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Révolte

Publié le 19 octobre 2011 par Valou94
RévolteLes éléphants, les premiers, ont lancé la contre-attaque.
Il y a presque un an, un troupeau d’éléphants d’Afrique a sciemment libéré une vingtaine d’élans du Cap, dans une réserve d’Afrique du Sud. Les gardiens avaient capturé ces grandes antilopes en surnombre pour les transférer dans une autre réserve et les gardaient enfermées dans un enclos extérieur. Les éléphants ont entouré l’enclos. Le mâle dominant s’est dirigé vers la porte, a tranquillement tiré avec sa trompe, l’un après l’autre, les trois loquets. Puis il a ouvert la porte en grand et a fait sortir les antilopes. Alors le troupeau de pachydermes s’est lentement remis en route, entourant les antilopes, devant les gardiens éberlués.
Les rares personnes qui ont lu l’information en ont souri, et se sont empressées de l’oublier.
Les dauphins ont pris le relais, deux semaines plus tard. Ils se sont mis en grève, tout bonnement. Tous les dauphins de tous les SeaWorld et autres Marineland, ainsi qu'un certain nombre de ceux exploités pour nager avec les touristes, partout de par le monde. Dauphins tursiops, dauphins bleu-blancs, orques épaulards. Ils n’ont montré aucun signe d’agressivité. Ils ont continué à se nourrir, à nager normalement avec leurs dresseurs, à jouer. Mais ont refusé d’entrer dans les bassins pour les spectacles. Ce qui a étonné les scientifiques, c’est la simultanéité de l’acte: le refus a été exprimé par tous les dauphins le même jour à quelques heures près.
Les journalistes ont parlé de phase lunaire, de sixième sens qui permettrait aux cétacés de déceler un changement infime dans la polarité terrestre. Foutaises.
Le mouvement a semblé s’arrêter de lui-même. Les gens ont oublié les dauphins. Les MarineLand se sont reconvertis en hôpitaux pour animaux marins blessés par les filets des pêcheurs.
Il y a environ six mois, ça a été le tour des oiseaux. D’un seul coup, sans que rien ne le laisse prévoir. Les corbeaux ont mené la danse et orchestré la révolte. Les mainates se sont tus dans les cages. Plus un mot des perroquets gris du Gabon, les perruches sont devenues muettes. Là où les oiseaux domestiques se taisent à présent, les sauvages au contraire s’en donnent à cœur joie.
Il est impossible pour un chasseur de mettre un pied dans le moindre bois sans être immédiatement assailli de cris, de piaillements et de sifflements qui le font immanquablement repérer. D’ailleurs les chiens de chasse mettent de la mauvaise volonté à trouver des pistes, qui la plupart du temps ne mènent à rien.
Les gens ont commencé à parler. Passe encore, les éléphants, les dauphins... Mais les oiseaux, ça leur a rappelé de mauvais souvenirs de films d’épouvante.Cependant, aucun des comportements observés chez ces animaux n’est hostile, jusqu’à présent. Les animaux refusent tout simplement de se conduire de la manière attendue, et ça ne fait qu’empirer.
Le mouvement est diversement suivi dans le monde entier, selon les espèces, mais partout on trouve des formes de cette résistance. Depuis deux mois, les fourmis sortent des forêts d’Amazonie pour conquérir pacifiquement les camps des coupeurs de bois. Elles ne font aucun mal aux hommes, mais dévorent leur tentes, leur nourriture, leurs habits, jusqu’aux machines (tronçonneuses, pelleteuses, grues, 4x4...). De même, les bancs de sardines et de maquereaux disparaissent des zones où on les pêche depuis des temps immémoriaux. Envolés ! Les prises de poissons ont diminués de 90%. La pêche est un secteur dévasté.
La production de lait diminue. Les vaches pourtant paissent toujours consciencieusement dans les prés mais elles ne donnent plus que quelques litres par jour. Aucun complément alimentaire ne semble pouvoir endiguer cette tendance. Les porcs, bœufs, moutons, chèvres, chevaux n’engraissent plus. Ils renâclent devant leurs mangeoires remplies de farines animales, refusent en ruant les piqûres d’hormones. Les plus dociles se laissent dépérir si on tente de les forcer à manger.
Il y a trois mois, les différents gouvernements se sont réunis pour décider d’une politique commune, pour lutter contre la famine qui les menace comme une épée de Damoclès. Curieusement, ce sont les pays les plus riches qui risquent le plus. Les autres savent déjà se contenter de peu, et leurs ressources n’ont pas diminué dans la même proportion que pour les pays industrialisés.
Heureusement qu’il reste les plantes ! Céréales, féculents, légumes, fruits, tous les gouvernements ont décidé d’accorder des subsides aux agriculteurs et d’augmenter considérablement les différentes productions. On a donné aux paysans des variétés résistantes à tout (insectes de toutes sortes, moisissures, vent, grêle, maladies). Des variétés transgéniques plus productives, des tonnes et des tonnes d’insecticides qu’ils épandent en hélicoptère. En un mois, ils ont planté, arrosé, bichonné leurs champs. Et nous voilà. La peur commence à s’installer. Ces champs si bien entretenus, ces belles semences résistantes à tout... Refusent de pousser. Les agriculteurs tentent de minimiser les faits, disent que ces nouvelles variétés ont besoin de plus de temps. Les scientifiques ont repris leurs tubes à essai.
Il n'y a plus rien, au supermarché du coin, tout le monde a fait des réserves. Je sais qu'il reste dans mes placards une vieille boite de raviolis, nous aurons à manger ce soir. Mais demain?

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