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Style de narration / Style de dialogues

Publié le 20 octobre 2011 par Paumadou

Style de narration / Style de dialoguesJ’ai récemment lu un texte qui était très perturbant dans son choix éditorial :

La narration à la troisième personne était détachée, très lointaine et recherchée (entendez : utilisation de mots savants quasi-inconnus, des tournures de phrases « intellectuelles » – donc lourdes, alambiquées et pas forcément très utile)

Les dialogues, eux, étaient à la limite de la vulgarité (non en fait, ils étaient carrément vulgaires et grossiers), les personnages étant des paysans patoisants.

Je peux vous dire qu’au moment où le premier personnage a parlé, le choc a été rude, et pas à l’avantage de l’auteur. Je considère qu’on peut tout faire avec la narration puisque le narrateur est un personnage du roman et qu’il est libre de parler à sa guise pour apporter l’histoire au lecteur. Seulement voilà, il y a certaines choses qu’il faut maîtriser avant de jouer avec ce que j’appellerai la narration dissociée.

J’entends par « narration dissociée » une narration en rupture totale avec l’univers du récit (je vous amène à lire l‘article de Sediter sur l’univers du récit qui est d’ailleurs en partie à l’origine de cet article).

L’univers du récit vient des personnages et de leurs vies. Il y a vingt-trente ans, on reprochait à Philippe Djian d’écrire comme on parlait. Mais il est indéniable qu’il a apporté un nouveau souffle à la littérature à cette époque-là. La déguindant, la rendant abordable à tous ceux qui ne causaient pas le monde. Passons, il est communément admis de nos jours qu’un narrateur puisse parler comme une personne du peuple.

Je dirais que cela a sans doute facilité l’accès à l’écriture pour beaucoup de monde : il suffisait d’écrire ce qu’on pensait pour arriver à pondre des trucs lisibles (je n’ai pas forcément dit de qualité, mais il n’est plus obligatoire d’écrire comme Hugo ou Stendhal pour écrire une histoire de nos jours) voire innovant (oubliez, de nos jours ce n’est plus une innovation)

Au grand dam, de certains intellectuels qui ont déploré la perte d’un certain niveau littéraire. C’est idiot, la maîtrise de la narration « populaire » est aussi difficile que la narration alambiquée, et dépend seulement du talent de l’auteur.

Je reviens à ma narration dissociée : avoir une narration très classieuse et pseudo-intellectuelle (un truc qui pète quoi) et des dialogues à la limite du vulgaire. (ça pourrait être l’inverse, notez bien).

C’est un choix éditorial qui doit être assumé évidemment et surtout MAÎTRISÉ ! Le choix d’une narration n’est pas anodin : 3ème personne, 1ère personne, interne, externe, en surface, elliptique… Tout ça constitue une manière d’amener le récit, mais surtout qui fait le petit plus de l’oeuvre, le style de l’auteur et créer son univers.
Tous les choix narratifs doivent être faits en connaissance : de ce que l’on veut dire, de ce que l’on veut faire (transmettre, choquer ou non, faire réagir, provoquer des sentiments…). La narration dissociée est un choix très difficile à assumer : car elle doit faire sens dans le récit. Ce ne peut pas juste être une idée en l’air. Tiens si je faisais comme ça ?

Or, pour maîtriser une narration de ce type, il faut réellement maîtriser la narration. Ce qui n’est pas à la portée du premier auteur venu ! Beaucoup d’auteurs même expérimentés ne s’y risqueraient pas. Si vous débutez, ni songez même pas ! Apprenez d’abord à maîtriser la cohérence de votre univers, de votre récit  et de votre narration avant d’envisager un narration dissociée parce que sinon, votre narration qui veut se la péter, risquera de péter plus haut que son cul. Et décrédibilisera votre texte (surtout si c’est une narration qui s’assume « formatrice/moralisatrice »)

Et puis sincèrement, oubliez les mots savants connus de vous seuls, ok ? Ca fait genre, certes, mais plutôt genre « j’ai cherché dans le dico pour vous pondre ce truc, si vous êtes pas foutu d’ouvrir un dico, vous n’êtes pas digne de me lire »  et c’est très méprisant pour le lecteur lambda ! On verra quand vous aurez vendu des milliers de livres, en attendant, ne prenez pas les lecteurs pour des billes, mais pas non plus pour des glands.


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