Flitkov a invité en Belgique le grand journaliste Russe Zakmir Pumsinko pour visionner la première du film tant attendu par les nombreux fans du reporter à la houppette. En exclusivité, il nous livre son compte-rendu sur cette séance exceptionnelle :
A peine arrivé devant le cinéma, je pouvais apercevoir une file allant jusqu'au parking. Je m'y insérais et tentais d'écouter ce qu'il se disait. Fallait bien que je prenne la température. Histoire de mettre quelque chose dans ce compte-rendu. Je tendis l'oreille. Je ne comprenais rien grand chose. Les gens faisaient grouikkkk grouikkkk. Tintin grouikkkkk Spielberg grouikkkkk. Ils parlaient assez fort. Ils prenaient un air de grand expert. Cet air auto-suffisant qui voudrait vous faire passer pour une merde. Ils se donnaient de l'importance. On avançait lentement. Deux enfants se faisaient engueuler par des vieux car ils jouaient avec des figurines Tintin Plastoy. "Grouiiikkkk honteux grouiiiilkkkkk c'est de la collection grouikkkk honte aux parents groouuu grouiikkkkkk". Après plus trente minutes d'attente, j'entrais dans la salle.
Une kyrielle de publicités me défonçait le cerveau à coup d'images sexy Martinisante, de bananes enrobées au chocolat Oufti, de voitures écologiques à faible rejet de CO2, d'alcool et toujours d'alcool...Je me sentais hyper-cool et sexy. J'avais envie de me bourrer la tronche dans le ciné mais la vente d'alcool y est interdite... Ils nous prennent sacrément pour des cons. Soit...je refoulais mon envie d'alcool en prenant une pilule d'extasy. Il fallait que je me calme. Mon analyse devait être parfaite. Sans failles.
Les bandes-annonces de Blockbuster arrivaient en masse. Dès la première seconde, elles furent sifflées en bloc par les fans de Tintin. Une attitude bien plus exacerbée que celle des Hooligans. "Grouiilkkkkk on veut Tintin grouiikkkk c'est de la merte c'est pas Tintin grouuiiikkk."
Un trentenaire se lève et fait un doigt d'honneur en direction de l'écran. Un enfant pouffe de rire. Je lui retournais une claque en lui disant de ne pas se moquer de cette acte héroïque. Son père se leva. Hors de lui, il m'insulta de bachi-bouzouk, d'ectoplasme.... Il cria :
- T'aimes pas Tintin, connard.
La salle entendit sa réplique. Elle se mit à me huer....
- Pendez-le, il n'aime pas Tintin ! C'est un imposteur ! Ouhhhhhhhhhhhh...grouikkkkkkkkkkk
La main sur le cœur, je répondis :
- Je mourrais pour Tintin. J'ai appelé ma femme Tintin et mon fils Milou. Pas de panique, les mecs. Je suis putain de clean. Je suis pas un de ces connards de fans aveugles d'Astérix.
La salle tout entière sauta de joie et sifflait en cœur. J'avais l'impression d'avoir gagné la deuxième guerre mondiale à moi tout seul.
Le film débuta. 45 minutes s'était écoulée depuis mon arrivée dans la salle. Columbia apparut, j'entendis "Ohhhhhhhh". Paramount apparut, j'entendis "Ahhhhhh". Le gamin à la joue rouge posa une question à son père :
- Dis papa, je dois faire pipi.
Le père rétorqua.
- Ta gueule petit con. Tintin grouikkkk pisse toi dessus.
Le fils indigné par la violence verbale de son père se mit à chialer. Le paternel luit mit une claque du coté vierge du visage. Le gamin chiala plus fortement. Je fis un doigt d'honneur en direction du gamin. Mes mots furent aussi acérés qu'une lame de rasoir.
- On peut regarder le film, bordel. Il va nous faire rater l'évènement de ma vie.
La salle me suivit. Le gamin fut insulté de toute part.
- "Faites-le dégager bon sang", "Crevons-lui les yeux à ce petit con"....
L'enfant regarda son père avec tristesse. Son regard fut balayé. Le père ne compatissait pas. C'était l'inverse.
- Casse-toi espèce de petite merde. Tu fais honte à la communauté ! Tu n'es plus mon fils. Je te bannis à tout jamais.
Il poussa le fils qui quitta sous les sifflets et une jetée de pop-corn la salle de projection.
Tintin apparut sous l'acclamation du public :
" Wahouuu Tintin, qu'il est beau" "Un homme, un vrai" " Tintin, je t'aime"...
A ce moment, plus moyen d'entendre quoi que ce soit. Il beuglait comme des ânes devant leur idole. Certain commençait à se toucher les parties génitales. :
"Ohhh, que t'es bonne ma Tintin" " Quel cul mais quel cul"....
Je commençais à avoir des spasmes vomitifs. Je me recroquevillais comme une noix fripée. Un type s'approchait près de moi avec sa langue pendante. Il zozotait.
"Tintin, z'est zuper, Tintin, z'est zuper".
Je poussais sur mes genoux pour lui infliger un coup de boule au menton.
Un autre fan courut vers l'écran :
- Tintinnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn
Il transperça l'écran de tout son corps. D'autres le suivirent. L'écran fut totalement déchiré. La totalité de la salle se lança sur les destructeurs. Une bagarre se déclencha. Les bras ballants, j'observais la scène absurde. Un steward tenta de calmer les choses. Il eut la brillante idée de décrocher la poupée officielle du film. Le troupeau de fan s'agglutina sur celle-ci. Les yeux pervers. Les pantalons par terre. J'assistais au viol de Tintin et Milou. C'était Obscène. Une vraie porcherie.
Comme si de rien n'était, je quittais la salle les mains dans les poches.
Le film avait duré 5 minutes. Pourtant, ce jour-là, Tintin m'avait marqué à vie !
Il était temps pour moi d'acheter une bouteille de Martini.