(21) Le serpent Nehebkaou

Je suis l’écoulement du flot Noun,
Celui qui en est sorti…
Je suis le serpent Nehebkaou, aux nombreux cercles .
Je suis l’âme de Râ qui est sorti du Noun…
Je suis venue à l’existence de moi-même,
Avec le Noun, en ce mien nom de Khépri,
En lequel je viens à l’existence chaque jour .
Je suis le dieu Atoum,
Solitaire des vastes espaces du Ciel,
Je suis le dieu Râ,
Se levant à l’aube des temps anciens,
Pareil au dieu Noun.
Je suis la grande divinité,
Qui se procrée elle-même,
Les pouvoirs mystérieux de mes Noms
Créent les célestes Hiérarchies . 

La vérité divine est révélée par l’ensemble.

Je reconnus aussitôt la cosmogénèse d’Héliopolis , centrée sur le culte du dieu Soleil Râ. Le « flot Noun », néant chaotique originel, était aussi l’unique source de vie, puisqu’il renfermait l’énergie créatrice symbolisée par le dieu Atoum. Atoum, « Celui qui en est sorti », était parvenu à se libérer des anneaux du serpent Nehebkaou « aux nombreux cercles » en prenant conscience de sa propre existence : « la grande divinité qui se procrée elle-même ». Atoum était alors devenu l’action créatrice et la création elle-même, engendrant ainsi une double entité divine : Khépri, « Je suis venue à l’existence de moi-même, avec le Noun, en ce mien nom de Khépri », le scarabée sacré et principe créateur, et Râ, « Je suis l’âme de Râ qui est sorti du Noun », l’astre solaire et création issue de ce principe. « Chaque jour », lors du cycle du soleil, né sous l’apparence de Khépri avant d’atteindre son apogée sous celle de Râ, cet événement primordial se répétait.

Ne sachant comment interpréter la dernière ligne, je supposai que le terme « ensemble » invitait à se reporter aux lignes précédentes et examinai le texte de plus près. En premier lieu, je distinguai les trois acteurs : Noun, Atoum et Khépri-Râ, Khépri étant une apparence de Râ. Je listai ensuite les relations qui les unissaient. À partir de Noun avait été créé Atoum et d’Atoum, Khépri-Râ. J’en déduisis ceci : Noun, entité unique, était double en considérant Atoum, et triple en ajoutant Khépri-Râ. On était en présence d’une relation d’égalité et d’inclusion entre les trois entités, mais aussi d’une relation d’inégalité et de différenciation, puisqu’elles avaient chacune une existence propre. En termes mathématiques, on obtenait en combinant : Noun <>=  Atoum <>= Râ, l’équation : 1 =<> 2 =<> 3, Noun pouvant être associé au chiffre 1, Atoum, 2 et Khépri-Râ, 3. J’étais stupéfaite par l’absurdité d’une telle équation, mais la vérité divine était à présent « révélée par l’ensemble ».

A suivre...