Déclaration de grossesse (et d'amour)

Publié le 27 octobre 2011 par Mirabelle

Mon cher Victor,

Bonjour ma chérie !! Oooooh mais dis moi, ton ventre s'est un peu arrondi, non ? Ca se voit tant que ça ? Je ne dirais pas ça, mais cela ne trompe pas un oeil expert comme le mien ! Effectivement, j'ai désormais une petite courbe du bas-ventre jusqu'au nombril que je ne me lasse pas de regarder ! Ceci dit, tu es très fort, Victor, parce que je t'assure qu'il faut le savoir, personne n'avait encore remarqué ! Ah, à peine une femme et déjà une mère... Enfin ne t'emballe pas, mon Victor, il n'est pas encore né !

Hier, j'ai effectué mon rendez-vous mensuel chez ma gynécologue. C'est drôle, auparavant, je détestais ça. Me montrer nue devant une tierce personne (autre que Chéri j'entends) me mettait mal à l'aise, avec un soupçon de honte. Désormais, cela ne me gêne pas, et même j'y vais le coeur léger, car c'est l'occasion pour moi de vérifier (du moins en apparence) que tout va bien pour mon bébé. Et donc, verdict de cette visite ? Tout a l'air d'aller pour lui ! Merveilleux !

J'avais bien sûr énormément de questions à lui poser (par exemple : est-ce normal de ne plus avoir mal aux seins ?), elle a pris le temps de m'écouter et de répondre, sans trouver mes interrogations ridicules, puis m'a ausculté : tout est parfait pour l'instant, mon utérus a, dit-elle bien grossi, ce qui laisserait penser que le bébé se développe bien. J'étais aux anges, jusqu'à ce qu'elle me propose de me faire écouter le coeur, avant de me mettre en garde :

"Je vous préviens, mon appareil est vieux. Etant donné que vous en êtes à 11 SA à peine, il est fort possible que nous n'entendions rien. Si c'est le cas, surtout, ne paniquez pas, il ne faudra pas en tenir compte, car à mes yeux votre grossesse se déroule parfaitement."

Ce furent les cinq minutes les plus longues de toute ma vie. Mon ventre se tordait d'angoisse, elle cherchait, cherchait, pestait contre les bruits parasitaires, recommençait, décalait un peu son appareil, fronçait les sourcils. Mais rien. Le vide. Quant à moi, je me retenais de respirer, priais de toutes mes forces, nous crûmes entendre un battement, très lointain, très furtif surtout, elle n'était pas sûre, moi non plus, elle cessa donc les essais et me demanda une fois de plus de "ne pas m'inquiéter".

Une fois rhabillée, elle me tendit une valisette rose, mon "Dossier de maternité", un carnet de suivi de maternité, et enfin la belle, la toute belle, la tant attendue : la déclaration de grossesse ! Elle m'a rapidement expliqué le fonctionnement (deux volets à la CAF, deux volets à la Sécu) tandis que je souriais bêtement, puis j'ai réglé mon dû, lui ai serré la main et me suis exclamée :

" Surtout, croisez les doigts pour mon échographie du premier trimestre ! Je compte sur vous !"

- Je pense sincèrement que tout va se dérouler parfaitement. Il n'y a pas de raison.

Je suis rentrée à la maison presque légère. Presque ? J'imagine que le seul point noir était ce coeur que vous n'avez pas pu entendre ! Oui, mais j'essaie de ne pas m'attarder sur ce point, elle m'avait prévenue ! Bref. En rentrant, j'ai regardé cette fameuse déclaration de grossesse de plus près, le coeur battant. Je devais inscrire mon nom en tant que mère, le nom de Chéri en tant que père, cela m'a tout drôle, cette officialisation, comme si le temps avait passé sans que je m'en rende compte, comme si j'étais devenue adulte sans m'en apercevoir, j'en avais presque envie de pleurer.

J'ai repensé aux trois dernières années, à cette rencontre innatendue, Internet, les quais au soleil, lui sur son banc. Je savais tout de suite, rien qu'en le voyant, que j'allais l'aimer. Pas seulement parce qu'il était beau non, mais aussi parce qu'il était doux, posé, avec des épaules solides, quelqu'un sur qui je pourrais me reposer. Je ne savais alors pas qu'il avait eu le même sentiment que moi, l'instinct que quelque chose de décisif allait se produire, nous transformer, balayer nos vies et tout ce que nous avions connu auparavant. 

A cette époque, nous ne savions pas, lui et moi, tout troublés devant nos verres, à une terrasse sur le port,  que nous allions vivre ensemble, même faire un bébé ensemble, lier nos noms à jamais en tant que père et mère d'un enfant tellement désiré. Parfois, cela me donne le vertige, Victor, tout ce bonheur. Parfois, j'ai encore du mal à réaliser que c'est réel, que c'est ma vie, à moi, Mirabelle. 

Quand Chéri est rentré hier soir, je lui ai montré le contenu de ma valisette rose, dont un petit body taille un mois offert par une grande marque de vêtements. Il avait à peine passé la porte. Je n'ai rien dit, j'ai déplié le minuscule petit vêtement avec un grand sourire, il a souri lui aussi, j'ai vu les larmes apparaître dans ses yeux et il est venu s'allonger contre moi dans le canapé en me serrant très fort.