Acharnement thérapeutique

Publié le 30 octobre 2011 par Gborjay

Mettons que vous venez de terminer un roman. Mettons que vous vous êtes extrait de la clique des doux rêveurs qui croient pouvoir écrire un tel ouvrage mais dont la croyance se bornera justement au domaine du rêve. Vous faites désormais partie de la classe non moins médiocre qui a réussi à accoucher entièrement d'un grand pensum.

« Chouette ! vous dites-vous avec un large sourire aux lèvres. Chouette, je vois le bout du tunnel, mon grand pensum pourra être publié et me rapporter gloire et fortune. »

Et là, d'un coup, l'euphorie retombe. Malédiction ! Vous l'aviez oubliée ! La relecture ! Les longues séances au coin du feu, à clamer comme un maudit les phrases de votre œuvre pour en corriger l'orthographe, le style, le rythme, le sens.

Peut-être devrez-vous faire des coupes franches, peut-être aussi des greffes d'importance. Le caractère du héros est-il suffisamment développé, cohérent, évolue-t-il vraiment comme vous le souhaitez ? Et qu'en est-il des personnages secondaires ? Ici, une description qui n'a pas eu lieu attend votre intervention salutaire. Là, un caractère qui n'a pas été brossé attend votre précieux apport.

Pour résumer, voilà la liste des enjeux qui pour vous seront autant de nouvelles corvées :
- orthographe et grammaire
- rythme et beauté de la phrase
- effets d'ambiance
- caractère des personnages
- cohérence temporelle, évolution des personnages et de l'intrigue
- susciter les émotions recherchées chez le lecteur

Mais connaissez-vous le poker ? Un des principes dans ce jeu fondamental est de jouer en sachant ne pas tenir compte des sommes que l'on a déjà mises en jeu, en les considérant comme perdues. Eh bien ici, l'idée tient aussi. Vous pouvez encore vous arrêter sagement, en faisant fi des efforts consentis. Cela vaut-il vraiment le coup, de passer d'interminables journées à relire votre récit d'inspiration autobiographique portant sur un pauvre collégien timide et mal dans sa peau qui se fait rejeter par ses camarades, et les effroyables répercussions de ce drame fondateur sur chaque épisode de sa longue et lamentable vie ?

En espérant que vous ferez le bon choix,

Gustave Borjay vous salue.

L'exclusion. Elle commence au collège et nous
poursuit durant toute notre vie professionnelle.