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Publié le 27 février 2008 par Irène Pauletich


LA BELLE ET LE CLOCHARD
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Lui : il aime collectionner toutes sortes de babioles inutiles, comme ces bouchons de
bouteilles qui traînent dans ses poches. Assis sur un banc il regarde au loin passer les oiseaux migrateurs, il rêve de voler à leur côté, de visiter le monde, il vient de dévorer un sandwich dégoulinant de sauce bien grasse et digère un petit sourire satisfait au coin des lèvres.

Ses amis le surnomment l’insouciant, il ne craint rien, sauf peut-être la perte de ses yeux car sans eux, la vie ne mérite pas d’être vue, ni vécue… Un merle se pose devant lui, il lui parle doucement, sifflote avec lui, il adore les oiseaux… Il fait tellement chaud qu’il boirait bien une bonne bière bien fraîche , mais il n’a pas envie de quitter son banc… Il continue à gazouiller avec le merle, c’est la seule langue étrangère qu’il parle couramment, celle des hommes ne l’intéresse pas, sauf celle de sa mère qu’il n’a pas oubliée faite de « je t’aime et de mamours. », il lui écrit de longues lignes chaque soir avec un crayon de bois, elle ne les lira pas, elle a disparu depuis si longtemps… Un cicatrice qui meurtrit toujours son cœur, la mort de sa maman…Depuis il dort très peu, très mal, souvent sur ce banc…

Il a gardé un trousseau de clefs, attaché à un anneau de rideau, elles n’ouvrent plus aucune porte, sauf celle de ses souvenirs…

Les oiseaux et les chats errants sont ses voisins, ils l’aiment tendrement et il leur rend leur affection qui réchauffe son cœur blessé.

Il ne la voit pas, pourtant elle est là, chaque midi, grignotant sur un banc en face de lui, il ne sait plus aimé, ne sera plus amoureux.

 

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Elle : elle est si belle qu’elle collectionne les regards tendres de chaque homme qui la croise, elle commence sa pause déjeuner , ses yeux contemple le vide de sa vie, dans ses poches son téléphone portable vibre, elle ne l’entend pas… Elle rêve à une autre vie, où plus laide, un homme saurait l’aimer, sans violence , sans jalousie… Elle grappille quelques cerises qu’elle vient d’acheter pour déjeuner… Ici seule, elle ne se force pas à sourire, pour quoi, pour qui… Pas à ce clochard en face d’elle…assis sur son banc qui ne la voit même pas.

Ses amis la surnomme la Fière, la Bégueule, c’est faux, comment pourraient-ils savoir ? Elle a peur de cet aspect physique que le temps va lui prendre sans rien lui laisser en retour. Un chat miaule à ses pieds, elle ne le caresse pas, elle n’aime pas ces animaux errants, car ils donnent des puces, préfère les chats de race. Elle a soif, il fait chaud, tout à l’heure en rentrant au bureau elle boira un café, elle boit toujours du café, quelque soit le temps…

Elle aime s’asseoir sur ce banc, regarder les passants passer, écouter les japonais parler entre eux…Se moquer de ces français rondouillards et bruyants… Car elle parle couramment le japonais, sa mère, diplomate a vécu au pays du soleil levant avec elle pendant toute son enfance. Ce soir, elle va lui envoyer un mail, un joli haïku, sur son PC tout neuf… Le manque d’amour est sa seule cicatrice, elle ne se voit pas mais ne se refermera jamais… Elle avait cru au prince charmant, il lui fait vivre l’enfer, jalousie et coups marquent sa vie quotidienne, il la poursuit, l’appelle, son téléphone ne finit pas de vibrer... Ce soir, elle dormira grâce à un somnifère car le sommeil n’est plus son allié, dans une chambre d’hôtel...

Elle sait ses clefs au fond de son sac, accrochées sur une peluche jaune, ce soir elle ne rentrera pas, elle le sait, elles ne lui serviront plus…

Ses voisins, de riches snobs ne remarqueront même pas son absence. Elle ne manquera à personne. Elle aime la chaleur d’un corps nu contre le sien … Mais c’est fini, son cœur se ferme à l’amour…

Elle découvre un homme sur le banc en face, il ne la voit pas, sa beauté l’indiffère, elle sourit et part… 

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