5 - La licorne

Publié le 28 février 2008 par Lyskald
Comme tous les jeudis, voici la nouvelle que je vous propose.  Pour changer de la dernière qui n'était pas franchement joyeuse, celle-ci prend des accents fantastiques.

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La licorne
     

Déjà deux hivers qu’il vivait ici. Deux hivers contrariés par la monotonie de l’asphalte et du béton. Il repensait aux dolmens de granit qui jonchaient sa campagne natale, aux saisons qui naissent et s’éteignent le long des branches. Tout cela ressemblait à une autre vie, une vie dont il avait perdu la saveur et le parfum, remplacés par le goût âcre du dioxyde de carbone qu’il inhalait en sortant du métro. Même les brouillards de son enfance lui inspiraient de la nostalgie.

 

Le feu vira au vert. Quittant abruptement ses pensées, il passa la première et s’engagea sur le rond-point désert, chantre des espaces verts urbains par sa saturation de gazon entretenu avec zèle. Il tourna à gauche empruntant la rue bondée d’immeubles anonymes. Quelques mètres plus loin, à l’intersection, il crût voir une ombre blanche fuyante. Il se frotta les yeux pensant à une hallucination due à l’heure tardive.

 

Thomas continua son chemin jusqu’au parking de son immeuble. Roulant doucement, il penchait la tête pour repérer une place vide. Là, au fond, à coté de la citadine rouge, c’était libre. S’approchant, il aperçut la même ombre blanche, celle de l’intersection, postée là où il voulait garer sa voiture. Il cligna des yeux mais la silhouette était toujours là, se faisant plus précise au fur et à mesure qu’il avançait. Il pensa reconnaître un cheval, un cheval blanc. Il ne comprenait pas ce que cet animal faisait là, perdu en pleine ville. Il arrêta son véhicule devant la place de parking, l’équidé ne bougeait pas. Puis, il tourna sa tête en direction de Thomas et le fixa d’un regard énigmatique. Une corne torsadée s’élevait depuis le front de l’animal étrange. « Une licorne, pensa-t-il, mais je n’ai rien bu ce soir, je suis en train de rêver, ce n’est pas possible ».

A peine eût-il le temps de réaliser qu’une licorne se trouvait, tout « naturellement », sur sa place de parking, à deux heures du matin que la chimère se cabra avant de faire un bond gigantesque pour passer au-dessus de la voiture. Thomas la suivit du regard et la licorne, galopant, s'éclipsa derrière la porte du local à vélo, étonnamment restée ouverte. Le jeune homme abasourdi gara machinalement son véhicule et se dirigea vers son immeuble. Il glissa un œil vers le local à vélo. La lumière était éteinte et seuls quelques reflets chromés semblait s'éveiller, éclairés par le lampadaire d’en face. La licorne avait disparu. Thomas regagna rapidement son appartement cherchant dans le dédale des escaliers à oublier cette rencontre improbable.

 

Etrangement, la lampe de bureau sur sa table à dessin était allumée. Quelques feuillets de vieux croquis d’une bande dessinée avortée par manque de temps traînaient nonchalamment. Il se plongea dans les cases sommairement travaillées du story-board. En regardant l’amazone chevauchant une licorne, il se souvint de son passé : celui du dessinateur devenu agent immobilier.

Quand la réalité laisse peu de place aux rêves, parfois les rêves viennent vous réveiller dans votre propre réalité.


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En bonus, voici l'illustration de Shéra pour cette nouvelle: