Le voyage de retour entre Québec et le poste de la Sûreté du Québec à Saint-Hubert avait été moins long que je ne l'avais cru au départ. C'était la fin de semaine du 21 et 22 octobre.
Pendant que le car roulait sur la A-20, je pensais à ce que j'avais accompli ces deux derniers jours. Je m'étais surpris à avoir assisté en personne à un bain de foule en colère contre le gouvernement.
Les jeunes surtout. Ils en voulaient à Charest pour vouloir augmenter les frais de scolarité. Le gouvernement veut piger dans les poches des étudiants en les ponctionnant de 325$ par année. Ceci pour renflouer les coffres des universités. Que penser de tout ça ? Et pourtant, je n'arrivais pas à me faire une opinion.
C'était la fin de semaine de manifestations organisés par des associations étudiantes et des centrales syndicales devant le Centre des congrès de Québec et, de ce fait, devant le Parlement. Je me tenais sur le terrain de l'édifice centenaire en compagnie d'agents de la SQ en civils et d'agents de sécurité de l'Assemblée Nationale en uniforme.
Quoi qu'il en soit, mes pensées revinrent au moment présent. J'avais le vent dans les voiles et l'estomac dans les talons : c'est suffisant pour rouler à plus de 110 km/h sur la 20 en direction de Montréal sans faire d'arrêt-pipi.
Je savais qu'au départ ce voyage de deux jours serait un enfer pour moi. Pas le voyage comme tel, mais les passagers. Le symbole qu'ils représentent du moins. Les policiers, peu importe qui me rendent mal à l'aise.
J'avais vécu une situation fort désagréable et j'irais même jusqu'à dire assez traumatisante. Et dans un passé pas si lointain. Pour faire une histoire courte et alors que je travaillais comme chauffeur de taxi dans les années 90. Je bossais à Brossard. La soirée était froide pour un samedi.
Je ne me souviens pas des détails de cette fameuse nuit mais je sais que cela avait commencé peu avant la fermeture des bars. Je m'étais querellé avec un confrère pour une raison anodine et je me souviens avoir pété les plombs et d'avoir frappé le capot de sa voiture avec mon poing.
Au retour de mon voyage, une voiture de la police de Brossard m'attendait et les flics étaient déterminés à m'interroger au poste, puisque le confrère tunisien avait porté plainte pour méfait. Je dois dire ici que c'était la première fois que je m'emportais et pour que je sorte de mes gonds comme ça, fallait que je soit à bout et très en colère.
Je m'étais donc présenté à eux en m'identifiant formellement. Je l'avais fait et j'ai voulu connaître la raison de leur présence, ce qu'ils avaient refusés de me dire malgré mon droit le plus légitime. J'ai dû répéter plusieurs fois ma question et pour cela, ils avaient procédés à mon arrestation. Musclée et abusive.
L'un des deux flics m'avait attrapé le bras par surprise et l'autre me maintenait de force par la tête et les épaules pendant que son collègue me passait les bracelets. Cette scène se passait sous les yeux de plusieurs témoins, pour la plupart des jeunes et d'autres chauffeurs de taxi.
Notre poste de taxi se trouvait à même le terrain de stationnement du club. Mon arrestation illégale s'était surtout produite devant celui qui avait porté la plainte et provoqué, par la même occasion, cette humiliation que je garderai à vie quelque part dans ma mémoire. Les policiers m'avaient gardé quelques heures en cellule et m'ont relâché avec promesse de comparaître.
J'ai su plus tard que la charge contre moi avait été retirée par le tunisien. Une source sûre m'avait raconté que certains chauffeurs lui avaient recommandé de retirer sa plainte s'il voulait garder son emploi. Je ne l'ai plus jamais revu. Mais le mal était fait et depuis ce temps, je réagi mal en présence des flics. Je n'y peux rien.
La plupart du temps, j'arrive à me contrôler et pourtant je me suis surpris moi-même. Heureusement d'ailleurs parce que ces dernières 48 heures m'avaient paru bien longues. Avoir des policiers comme passagers de son propre car, des armoires à glace pour la plupart (l'escouade anti-émeute) me rendait proprement nerveux.
Mais je me disais que cette virée allait se terminer bientôt. Je me rapprochait d'ailleurs de ma destination. Dans moins d'une heure, je serai arrivé et les flics seront débarqués. Je n'ai pas eu de problème et je n'avais rien à craindre non plus. Je voulais seulement en finir et passer à autre chose.
Avant de terminer, j'ai une petite anecdote pour vous. Sur la route qui me ramenait à Saint-Hubert, je roulais rapidement et je dépasser des poids lourds plus lents. Bien sûr, Transports Québec les oblige à posséder un limiteur de vitesse.
En effet, depuis le 1er janvier 2009, « les limiteurs de vitesse de série doivent être obligatoirement activés et réglés de manière à empêcher les véhicules de dépasser 105 km/h. Cette mesure s’adresse aux exploitants de véhicules lourds de toute provenance dont les camions circulent sur le réseau routier québécois ».
Le mien et la balance de la flotte de mon employeur est limité à 110 km/h. Je pouvais donc les dépasser sans aucun problème. Jusqu'au moment où j'arrive derrière un semi-remorque dont la boîte de 53 pieds me fit douter sur son chargement.
C'était une remorque en acier avec des trous pour laisser le « chargement » respirer. J'avais décider de l'enfiler comme les autres mais c'était surtout pour vérifier ce que contenait cette remorque et pour confirmer ce que je croyais depuis le début.
J'ai actionné mon clignotant gauche et vérifié deux fois dans le rétroviseur. Le convexe et le normal. Le convexe permet de voir toute intrusion dans mon angle mort. Après confirmation et la voie de dépassement libre d'accès, je commençai la manoeuvre.
L'arrière de la boîte se rapprochait doucement à ma droite, comme si elle reculait vers moi. Je me rapprochais de la cabine du conducteur (le tracteur dans le jargon populaire) et je ne pouvais que constater ce que je croyais depuis le début : ce camion transportait des cochons !
Le flic derrière mon siège avait lancé en voyant le semi-remorque bourré de porcs qui se dirigeait vers l'abattoir : « Tiens, il s'en va à Saint-Valérien celui-là ! »...
Salut !