JOSUÉ SUR LES EAUX
VI
Je suis saisi par la naissance
dont chaque parole nouvelle veut ranimer
le premier cri.
« Je ne suis que naissance, dit le poète perdu.
« Ce qu’il arrive que j’entrevoie, ce ne sont que débris. Une frontière est franchie. Toujours nous sommes tombés trop loin, ayant depuis toujours dépassé cet éveil où une haleine énorme soufflait dans nos narines ; où un doigt bienveillant faisait franchir le gouffre, au cœur qui hésitait, d’un premier battement.
« À ceux de cette sorte, qui continuent d’interroger ce très vieux souvenir, quelle main donnerez-vous qui ne soit pas, de cette première, et quelle seconde parole qui ne soit pas, du premier paraclet — avant qu’un coup ne crève la porte derrière laquelle il semble qu’une dure armée chargée de cris était à nous attendre — l’exacte trahison ?
« Celui porté dans de telles mains n’a personne qui le guide. Il est celui qui va chercher dans cet effroi, tout à la fois émerveillement et premier abandon, pour tous, une étincelle. »
Vous, devant ce délire, pourriez vous effrayer : « Dites-moi, s’il vous plaît — de quoi parle ce fou ? » Et lui vous répondrait : « Je suis saisi par la naissance, dont chaque parole nouvelle veut ranimer le premier cri. »
Patrick Guyon, Josué sur les eaux, VI, in États provisoires du poème, IV, Cheyne Éditeur, 2003, pp. 68-69.
PATRICK GUYON
Ph. Philippe-Marie Ponçon
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