Je n’irai nulle part sans toi
Ils me parlent d’un petit frère mort je dois raconter l’histoire en pleurant
J’ai du chagrin
Mon cœur va exploser
Je n’ai pas envie d’aller à l’école je m’ennuie je rêve j’écris des poèmes
Je n’irai nulle part sans toi
Je t’aime tout le temps je te vois partout je t’emmène dans mon cartable tu es l’encre de ma plume
Je ne vivrai pas sans toi je n’avancerai plus d’un seul pas
Je ne consentirai à rien
J’ai du chagrin je raconte l’histoire en riant sont jolies mes allumettes j’allume partout des incendies je veux que tout disparaisse
Tendresse écorchée je suis ton ange gardien prends soin de moi je n’ai aucune envie de parler à un autre que toi aucun désir sans toi je veux ta main sur ma peur sur ma peau je veux ton regard et tes mots
Point de respiration sans toi ton souffle m’insuffle la vie
Je ne marcherai plus j’ampute mes jambes je décille mes yeux j’étouffe les heures
Je vends mon âme pour une parcelle de ta main
Non je n’irai nulle part sans toi
Ecorchée je ris écorchée je vis trouée le vent me traverse
Des fêtes pas de victoires à l’horizon
Point de caresses des points pour suspendre le cœur
J’enrage de ne jamais savoir nicher mon cœur le ranger en faire une petite cachette pour le moineau trapéziste
Oraison funèbre de mon amour Ô raison funeste des bris de raison la folie s’invite
Mon cœur un glaçon fond au soleil ma peau brûlée par la neige
N’ai-je été tout et son contraire douceur et dureté fiévreuse et glacée sauvage et avenante
Le froid me mine m’anime m’enivre je m’ouvre à la chaleur de ton corps nue greffée dans le froid je suis couverte de ton silence
Dans tes quatre murs devine les tremblements les tremblements des arbres des oiseaux de mes mains
Mon corps tressaute sous tes mains l’hypothèse d’un Dieu est dans mon désir
Frêle frémissante je me donne aux vagues de la nuit mer sur laquelle je vogue en écoutant ton écho
Infime infirme mes jambes ne me mènent pas sur ton chemin
J’épelle ton nom en vain divin
Non je n’irai nulle part sans toi
Je reste assise attentive patiente esthète des tremblements
Dessine les coquelicots en sang de juin
Parle à la petite sirène de mon corps
Cours les rues cherchant partout ta présence
Invente des gestes pour quand nous aurons d’autres mains
Dits vains
Le silence est de mise
Tout tremble mais nous sommes occupés avec les chiffres jonglons avec eux perdons avec eux
Nous n’avons pas le temps de recevoir la balle balbutiante lancée par l’inconnu
Elle ricoche se cabre ne veut pas disparaitre et se soude à l’eau du néant
Cœur fier ne plie jamais cœur de fer
Seule la flamme
Ce chemin n’est pas celui d’aimer
Peau soie cœur verre âme d’acier
Matières qui tissent mes accidents
Criante pour creuser un sens
Absurde absence alors que je n’ai fait qu’ouvrir ta présence
Souffrance incessante arrachée de tes bras je comble le vide par de petits riens
Marche à l’affût les yeux piquants les oreilles aiguisées aux aguets sur le qui-vive vois tout entends tout
Siffle par mégarde le chant du cygne
Dernière heure venue
Pour aimant le silence illisible où je cisèle mes rêves
Oiseau meurtri en plein vol cage de Magritte
Suspends le temps
Réfugiée dans le rêve puise le silence lieu de la distance
Distance et pourtant de plain-pied je suis allée à la nage vers mon atlantique
Je ne suis allée nulle part sans toi
Je suis restée couchée le visage blanc
Entre quatre murs j’ai parcouru les sillons noirs de mes pensées rayées
J’ai perdu mon temps comme une alcoolique farouche féroce
Il ne fallait pas m’empêcher de perdre mes heures
Nul emploi du temps au jour le jour à la nuit la nuit à la guerre comme à la guerre
Pleurs cris désirs mots balbutiés sans suite je griffe la nuit pour enfin voir la chair du jour
Heurts sans fin gémissements de bête timide
Avec mon minois d’enfant perdue
Retenue mais qui me retient ?
Ravie quel est le ravisseur ?
Réservée qui m’a réservée ?
Eperdu qui m’a perdue
Quel songe incroyable que celui d’écrire faire alliance avec le silence
Ce qui s’imprime ne s’exprime pas
Muette jusqu’au bout pesant puisant épuisant le néant
L’art n’est pas dans les musées dans les livres dans les théâtres
L’art est dans une chambre où chaque geste conte l’éternité
Les artistes ne se donnent pas de nom visiteurs d’un monde où ils glissent
L’art est ce qui nous a fait cesser de vivre
La vie est dehors avec l’herbe qui pousse et cette écoute ne devrait pas être inscrite elle devrait tout simplement être là
Occuper sa présence habiter le monde comme un damné quelle issue si ce n’est la folie
Je ne tourne pas rond
Inconnue de mes pairs j’erre les mains ouvertes en spirales mouettes rieuses
Blessée et mon rire pourquoi l’écrire suspendue j’avance équilibriste je tombe
Je ne suis allée nulle part sans toi
J’ai contemplé le monde avec le visage ovale de petits yeux rieurs les mains fines je ne croyais en rien à part en la beauté du monde
J’attendais tout je n’attendais plus rien
J’ai fermé ma porte à clef j’attendais la fin je l’ai mise au défi
La fin n’en finit pas
Les nuages qui passaient n’en finissaient plus d’être merveilleux
Trop de yeux trop d’oreilles trop de bouche trop de peau
Je n’en finis jamais de sentir la musique
Je tiens une paume de ta main de plus en plus disparue
Assez dit faire défaire et ainsi de suite l’invisible est pour les voyants
Voir ce que je ne crois plus voir une voie dans l’indicible vie voir sans voir pour rester leurré de ses visions
Le geste plus infini que le mot
Effritement du sens beauté de la danse
Le geste est fidèle le mot enfume volutes des phrases
Et je m’enfuis dans les hauteurs
Je meurs de mes cris non criés
Je meurs
Je revis je ne sais comment
Je conduis une voiture la nuit un couple de vieillards me fait une queue de poisson je crois être dans un cauchemar je n’ai plus jamais conduit sauf mon bateau de fortune en mer
Oui j’irai seule sans toi
La glace me pousse sous la nuque
Mon corps troglodyte tremble
Je me couvre de livres je dors des siècles
Je m’enfuis à chaque main ouverte
Je ne vois personne je suis aveugle je pleure à l’intérieur
Je dors des millénaires
Je chante parfois et ma voix réveille un autre mais cet autre je ne le vois pas
Tournant le dos à l’agitation des millepattes
Combien de temps encore faire tout et son contraire
Avancer d’un pas renoncer de trois faire n’importe quoi avec n’importe quand dire n’importe quoi n’importe comment
Règne du mensonge de la parole sans parole jurer et parjurer jouer et déjouer
Aimer des aimés
Descendre d’un train en prendre un autre plus rapide
Vivre en courant pour aller plus vite que la musique sans point d’orgue
Apprendre par cœur un nom et le jeter aux oublis
Oublier ce qui ne doit pas s’oublier humains sans mémoire humains sans histoire dépossédés de leurs rêves
Le courage d’aimer l’appel de l’être à chérir
L’être difficile fermé ouvert à sillonner
Un être ailleurs à découvrir petit à petit un être entr’ouvert
Petit à petit
Un être s’ouvre
Un être qui t’as trouvé
Petit à petit