Le lauréat du Prix du polar Points 2011 est tombé hier ! Mais patience – l’heure n’est pas encore à mon duo de tête et aux résultats, car il y a avant mes coups de coeur deux livres de la sélection qui méritent le déplacement si vous êtes en manque de lecture. Ces bouquins arrivent des contrées du froid et de l’effet de mode qui a suivi la déferlante Stieg Larsson, mais répondent largement à un travail de qualité (contrairement à Pettersson), il s’agit d’un texte islandais d’Arnaldur Indridason, Hypothermie, et de Hiver signé par le suédois Mons Kallentoft.
Indridason est probablement connu par certains d’entre vous, si ce n’est pas par le nom de l’auteur au moins par certains de ses titres : La femme en vert ou encore La cité des jarres (adapté au cinéma sous le titre de Jar City). L’idée de départ est un suicide auquel est confronté l’inspecteur fétiche d’Indridason, Erlendur Sveinsson, et auquel il ne croit pas – ou qui tout du moins lui pose problème…
Indridason-Sveinsson, c’est un peu une énième variante du schéma Doyle-Holmes, Christie-Poirot, Padura-Conde, Larsson-Blomkvist, etc. A ceci près que ses affaires de couple et ses problèmes incessants dans le rapport parents-enfants ont parfois un arrière-goût un peu lourd rappelant Julie Lescaut plus qu’autre chose…
Mais lorsqu’il s’agit de bâtir une architecture solide à son bouquin, Indridason s’y connaît : les phases de l’enquête sont découpées avec précision, ponctuées par des retournements la plupart du temps bien trouvés et surtout crédibles. Et si le verbe n’a rien d’exceptionnel et si le regard social sur l’Islande reste limité, Hyptohermie a des relents du terroir plus que bienvenus, qu’il s’agisse des manies alimentaires du personnage principal ou de la ballade sur le territoire islandais.
Indridason mise tout sur un polar efficace et s’y tient, sans dépasser une seule seconde ce parti-pris, c’est-à-dire sans réussir à pondre de l’exceptionnel mais en offrant une intrigue accrocheuse et un rythme suffisament soutenu pour que l’on suive avec plaisir cette enquête.
Quel dommage par contre d’avoir opté pour de la facilité, d’abord en tapant dans de l’ésotérisme assez convenu (rassurez-vous, très loin devant le fatras innomable de Musso tout de même !) et surtout une similitude assez dérangeante avec certains ressorts d’un des premiers grands films de Joel Schumacher de 1990 : L’expérience interdite. Ayant lu le livre et vu le film à quelques mois d’intervalle, l’effet doublon m’a été assez désagréable tellement il peut être grossier par moments.
Du coup, le système Indridason veut qu’on se prenne au jeu le temps du roman, malgré quelques accrocs, et que ce ressenti ne fasse que s’accentuer une fois le bouquin refermé – rappelant un peu l’effet Dan Brown. Et, pour avoir prolongé l’expérience Indridason un peu plus loin avec La femme en vert, l’effet ne fait que se répéter, virant pour le coup à une redite si chère à Mary Higgins Clark et autres Harlan Coben. Indridason a établi sa recette et compte sur le consentement du lecteur pour se faire avoir à chaque fois.
L’ambiance des livres sauve le tout, heureusement, mais je ne saurais que vous recommander de vous limiter à un ou deux de ses bouquins, de peur d’avoir à subir trop souvent les mêmes ficelles… Un livre agréable au demeurant, qui mérite largement le temps de lecture à l’occasion.
Hiver à l’inverse n’est pas tant une question de mécanique, mais de narration. Aucun bouleversement au programme, mais une simplicité d’écriture qui rend le livre de Mons Kallentoft d’une force maximale, sans aucun temps mort. Dès les premières pages, aucun détail de trop, aucune emphase dans la narration.
Et jusqu’à la dernière page, ratés et éléments d’intrigue inutiles sont relativement rares ; par moments le désir de Kallentoft d’offrir un panel général de ses enquêteurs s’avère superflu, l’intégration d’une pseudo-secte à l’intrigue frise un peu trop l’archétype, et quelques traits un peu grossiers.
Pour le reste, Hiver se lit d’une traite, porté par cette épure narrative, et propose pour le coup une mise en scène introductive qui justifie qu’on enchaîne les centaines de pages : un corps disproportionné pendu dans un arbre, nu, alors que l’hiver a largement fait descendre la température en-dessous de zéro.
Ajoutez à cela une héroïne, Malin Fors, au centre de l’enquête, attachante pour le lecteur et parfaitement crédible, tout comme le reste de l’environnement, et vous tenez un polar de qualité. Rien d’exagéré et un ensemble plutôt conventionnel, mais diablement efficace sur le coup, quand bien même on n’en garde pas un grand souvenir une fois le livre refermé. Kallentoft a le sens du détail, pas celui de l’ambiance, et comme Indridason avec Hypothermie son effet de style consistant à faire parler les morts paraît bien limité.
Reste qu’Hiver, contrairement à son titre, c’est un peu le bouquin de plage dont tout le monde rêve, celui qui vous embarque sans aucune prise de tête, l’accent mis sur l’efficacité. Si vous cherchez du bon roman policier qui passe tout seul, sa lecture s’impose.
Rendez-vous sous peu pour la dernière fournée de cette sélection Polar et l’annonce du gagnant !