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Chloé (post-Atarɐxe)

Publié le 12 novembre 2011 par Banalalban

Antoine, je vous ai appelé pour profiter une fois de plus de vos talents de réparateur-bricoleur. Ça ne vous dérange pas n’est-ce pas que je profite encore une fois de vos talents de réparateur-bricoleur ? Vous êtes réparateur-bricoleur : j’ai bien lu sur la carte que vous m’avez laissée la dernière fois : « Antoine, réparateur-bricoleur ». Je ne me trompe pas, je ne me trompe jamais comme je n’ai jamais froid : vous réparez et bricolez : vous ne faites pas dans la blague. Vous réparez et bricolez, vous êtes très terrien. Vous réparez et bricolez : vous faites ça si bien.

La dernière fois que vous êtes venu, vous avez fait un travail vraiment remarquable sur la machine à laver : elle n’a jamais aussi bien essoré que depuis votre visite. Vous avez dû réamorcer certaines de ses fonctions vitales, toucher à quelques fils qui avaient été déconnectés par des années d’utilisation intensive. Vous savez, nous utilisons désormais nos instruments ménagers sans même y penser. Ils sont un membre de nous : un bras. Ils sont un membre de notre famille : un cousin.

Aujourd’hui, c’est de mon aspirateur dont il s’agit… c’est quand effet, il ne fonctionne pas et qu’il ne sent pas très bon non plus. Quelque chose de grillé. De corrompu. D’inélégant et vicié. Quelque chose s’est passé, mais quoi exactement ? Comprenez-vous ?

Je n’ai touché à presque rien, je vous assure. Je ne sais pas pourquoi ou si peu. Je ne suis coupable de rien, ce n’est pas ma faute, je suis si innocente. Ne me jugez pas. Que je vous explique… C’est que j’ai accouché dans la journée d’hier, aux environs de dix-huit heures, de cinq enfants tous mort-nés et tous très laids. Nous ne vous en faites pas : cela arrive tout le temps, c’est quelque chose que je fais souvent, ne faites pas cette tête... Mes enfants, je vous le confie, refusent la matrice même de mon corps, c’est ainsi. Au début, ils s’y accommodent certes, et puis ils  comprennent que quelque chose ne va pas alors ils se mettent à me dévorer de l’intérieur, par précaution, puis mon corps les expulse avant qu’ils ne soient arrivés à terme, comme pour se protéger. C’est une espèce d’habitude. Désirez-vous une part de gâteau « maison » ? Alors, ils gisaient à cet endroit très précis à côté de vous, sur le sol, entre le sofa et la petite table basse. Cinq petits corps sanguinolents et froids, cinq petits corps fragiles et innocents. Il me fallait m’en débarrasser… je ne pouvais pas les garder…. Qu’aurai-je dû faire ? Il faut bien que vous  compreniez Antoine : qu’aurais-je fait de cinq petits enfants morts ? Je n’allais tout de même pas les empailler pour décorer ma cheminée et me rappeler à leur bon souvenir pour mon éternité ?! Je les y aurais mis, classés du plus petit au plus grand, vraiment ? Et après ?

Alors je me suis dit qu’il me fallait les aspirer, comme je le fais à chaque fois. Il faut toujours aspirer lorsque l’on ne sait pas quoi faire de quelque chose, faire disparaitre les preuves. J’ai démonté mon appareil, y ai installé un broyeur en fin de course, entre l’espèce d’œsophage en plastique de la machine et le sachet en papier, histoire de bien hacher menu-menu et ne pas en mettre à côté.

Tout a bien fonctionné comme à chaque  fois jusqu’à ce qu’une étrange et épaisse fumée ne s’échappe de mon aspirateur ménager et que cette étrange odeur n’envahisse tout mon salon. Et depuis, le moteur ne semble plus vouloir redémarrer malgré mes nombreuses tentatives et je ne peux plus nettoyer les autres choses qui gisent sur le sol entre le sofa et la petite table basse. J’ai beau essayer de vider le tout, il semble qu’il y ait encore des artefacts de cachés et accrochés bien plus profond à l’intérieur, que les petits os font barrage, bourrage.

Pouvez-vous y faire quelque chose ? Utiliser vos talents de réparateur-bricoleur ? Antoine, désirez-vous une autre tranche de gâteau « maison » avant de commencer ?

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