Vers le milieu des années 60, la presse quotidienne de la région marseillaise est dominée par trois noms : La Marseillaise, organe du P.C.F., le Méridional, qui se positionne à droite et le très “Deferriste” Provençal, héritier du Petit Provençal qui avait péri dans les combats pour la libération de la Marsiale.
Mes parents, marqués par la résistance au sein des F.T.P., avaient pris l'habitude de se faire livrer l'un des quotidiens du maire, à l'aube, entre le sacro-saint café au lait et les biscottes Roger. Ainsi donc le canard passait de pièce en pièce, maltraité par les mains familiales avant d'atterrir dans un état frisant la déchirure, sur mon petit déjeuner.
- Tiens on l'a terminé, t'as qu'à le lire si tu comprends….se croyaient-ils obligés de préciser, avant d'ajouter à voix basse :
Pense donc, à dix ans, à part Tintin, Pilote et Spirou ….je ne vois pas ce qui peut le fasciner !!!
J'ai gardé une énorme rancune à l'encontre de chacun des membres de mon clan, devant le mépris qu'ils manifestaient à mon égard et qui, en plus, prenaient mon espace vital pour une des pistes de
l'aéroport de Marignane.Et c'est ainsi que je suis devenu un boulimique de l'info, de toutes les infos : de la locale à l'internationale, en passant par le sport, les faits divers et le monde des courses.
Tout m'intéressait : les américains qui se battaient à Da Nang au Vietnam, Patrice Lumumba et Moise Tshombe au Congo, Souvanna Phouma, prince-ministre du Laos, la guerre Froide, le Moyen-Orient, les Guérinis, parrains du milieu Marseillais, le cinéma de Fellini ou de Clouzot, les Beatles et la bossa nova, Une de Mai et Ozo les juments adulées par les turfistes.
Et cette histoire d'amour dura, jusqu'au point de se faire convoquer dans le bureau du surveillant général du Lycée Perier, Jean Paccini, pour avoir introduit des “journaux politiques” dans un établissement scolaire.
Mon ami Jean-Philippe tentera en vain de lui expliquer qu'une formation qui joue en 4-3-3 n'est pas une formation politique et que le ticket Skoblar Magnusson ne se présentait pas aux élections…”Fernandel” ne voulait rien savoir et nous confisqua le journal.
On l'aurait bien renvoyé à ses mauresques chez Dédé, le bar d'en face. Deux années plus tard on vendait les premiers numéros de Libération sous son nez…information qu'il se hata de transmettre aux renseignements généraux.
Cela ne nous empêchait pas de lire d'autres periodiques. Pour ma part j'avais porté mon dévolu sur l'édition américaine de Playboy.Une fois parvenu à l'université, la lecture du Monde était plus que recommandée, ceux d'entre nous qui la trouvait fade, l'assaisonait des soupçons du Canard Enchaîné.
Aujourd'hui “Lepaf” supplie, implore ses gazelles de jeter un oeil aux news qu'elles soient sur papiers ou sur écran et pas seulement quand on y reçoit Justin, Brad, Nespresso et les autres.
Hélas, trois fois hélas. Impossible de les captiver avec les taux d'intérêt de la BCE ou les accords de Panmunjom en Corée.
Alors j'ai ressorti cette phrase enfouie au coeur de mes archives :
Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet et Igor Barrère vous présentent Cinq colonnes à la une,
Moi, au risque de passer pour un nostalgique, pour ce genre de pépites, je me ferai bien chercheur d'or.