Deux semaines se sont passées depuis que je suis allé voir «Intouchables». Il y a un mois, une critique du magazine Studio Ciné Live m’avait implicitement demandé de me bouger les fesses et de payer ma place dès que le film sortirait. De toute part, personne n’avait daigné critiquer de manière péjorative ce film (exceptés bien sûr les blasés qu’on connait bien, Inrocks et Télérama en tête) qui semblait être une merveilleuse production clichée mais pas trop, dramatique mais comique, heureuse mais réaliste. J’y suis donc allé.
Deux semaines donc. J’insiste sur ce «deux semaines» car c’est pour moi une bonne chose de prendre du recul pour écrire sur un film. Il m’arrive parfois d’exagérer la portée d’une production lorsque je sors à peine du cinéma et que je commence à pianoter frénétiquement sur mon valeureux SmartmaispastropPhone. Pour «Intouchables», j’ai voulu attendre patiemment que le film fasse effet. Et le temps que mon cerveau digère le pack d’images Omar Sy / François Cluzet, une frénésie s’est emparée de la France : 4,8 millions de spectateurs en deux semaines d’exploitation. Coupant court à cela, je me retrouve donc devant mon clavier, à ma douzième phrase.
Que penser donc de «Intouchables» ? Objectivement, ce film reçoit autant l’aval de la critique que des spectateurs, le bouche à oreille fonctionnant à merveille. On peut facilement voir le film dépasser le dernier Harry Potter d’ici la fin de l’année et même s’arrimer à la barre des 10 millions d’entrées. Subjectivement, «Intouchables» n’est pas un grand film, en aucun cas un film culte et surtout pas un chef-d’œuvre, cela n’étant pas, on peut bien le croire, le principal objectif du réalisateur Éric Toledano, habitué aux petites comédies. Il aurait été facile de tomber dans le cliché du critique parisien échaudé de voir qu’une comédie française rafle autant de spectateurs alors que lui seul connait le dernier bon film. La critique ATD aurait alors commencé par : «un gentil jeune de banlieue et un tétraplégique riche, le point Godwin de la comédie française ?».
Pourtant, il n’en sera rien. Avec un humour parfois cynique et parfois consensuel; avec des répliques «sans pitié» et des moments touchants; avec des personnages parfois peu subtils mais au final attachants, «Intouchables» réussit là où bon nombre de comédies françaises se plantent : il fait tout simplement réagir. Stéréotypé ? Oui, mais qui ne l’est pas ? La France aime tellement les étiquettes que chaque français pourrait en avoir une collée sur le front. Positif et trop lisse ? Oui et, en période de crise, mieux vaut aller voir une comédie qui a l’air sympathique que le dernier film d’auteur français dans lequel tout le monde se tire une balle entre deux pauses-clopes.
Il est étrange qu’en France on cite souvent le fossé entre les français et le politique, jamais le fossé entre le cinéma français et son public. Et lorsqu’ils se réunissent autour d’un film comme «Intouchables», la mauvaise foi de certains (qui vont jusqu’à énoncer points par points le film, comme s’il fallait une dissertation pour comprendre le film) pointe alors le bout de son nez. Mais il faut parfois rester simple pour apprécier un film. Percevoir simplement qu’une production qui peut faire rire pendant 1h30 est une bonne chose et que le cinéma est un avant tout un divertissement. De ce point de vue là, «Intouchables» ne restera pas dans les annales comme un grand film, mais comme le film de novembre 2011 où quelques millions de français auront pu souffler un peu.
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