« Poésie d'un jour
choisie par Anna Toscano
Il y a un siècle, le 18 novembre 1911, naît à San Prospero, près de Parme Attilio Bertolucci.
Source
Issu d’une famille de la bourgeoisie paysanne d’Émilie-Romagne, Attilio Bertolucci, après des essais infructueux en droit, s’inscrit à l’université de Bologne pour y entreprendre des études de lettres. En 1938, l’année même où il obtient ses diplômes, il épouse Ninetta Giovanardi. De ce mariage naissent deux fils : Bernardo Bertolucci (1941) et Giuseppe (1947), tous deux aujourd’hui cinéaste et scénariste reconnus. Dès 1939, Attilio Bertolucci dirige pour Ugo Guanda, « La Fenice », collection de poètes étrangers. Dans le même temps, il poursuit sa carrière de professeur (jusqu’en 1954). Il collabore à diverses revues : Letteratura, Circoli, Corrente et noue des liens d’amitié avec des gens de lettres, rencontrés à Parme : Mario Luzi, Vittorio Sereni, Borlenghi, De Robertis. À partir du 8 septembre 1943, Bertolucci se réfugie avec les siens dans la maison de famille de Casarola. En 1951, installé à Rome, il publie des articles dans les journaux et les revues : Paragone, L’Approdo letterario, NA. Il entre dans le monde du cinéma où il rencontre Carlo Emilio Gadda et Pier Paolo Pasolini. De 1954 à 1965, il dirige la revue de l’Eni Il gatto selvatico. Au cours des années suivantes, Bertolucci se partage entre Rome, La Spezia et Casarola. En 1984, Bertolucci reçoit de l’Université de Parme la laurea ad honorem. Attilio Bertolucci meurt à Rome le 14 juin 2000.
Les premières publications poétiques de Bertolucci remontent à sa jeunesse. Le recueil de Sirio, publié en 1929 et Feux en novembre, en 1934, sont des œuvres marquées par l’optimisme dû au jeune âge du poète. Vient ensuite, composée entre 1951 et 1955, La Chaumière indienne (Capanna indiana). Dans le même temps, en 1956, le poète s’attelle au vaste chantier narratif de La Chambre (La camera da letto), « roman familial » en vers (9 300 au total), répartis en « chants » (Canti). La première partie de La Chambre verra le jour en 1984 et la seconde, en 1988. Porté par la conviction qu’il est possible de faire le récit de sa vie en vers, Bertolucci réalise ― avec ce « roman en vers » ― une œuvre unique dans la poésie contemporaine européenne du XXe siècle.
Entre-temps, en 1971, est publié Voyage d’hiver (Viaggio d’inverno), recueil dans lequel s’exprime, sur le mode intimiste et quasi confidentiel, la plainte constante liée au tourment de l’existence.
Deux recueils voient le jour dans les dernières années de la vie du poète : Vers les sources du Cinghio (Verso le sorgenti del Cinghio, 1993) et Le Lézard de Casarola (La lucertola di Casarola, 1997).
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
COMPLEANNO
Illa mihi sedes, illic mea carpitur aetas.
Catullo
Il cipresso che un inverno crudo
per queste plaghe imprecisato ormai
nella memoria inaridì
rivestono oggi le parassitarie ―
vive nell’ultima stagione
dell’anno e della vita ―
edera e ampelopsis.
Sono viticci e festoni verde e carminio
che colombi d’un argento cangiante in azzurro
becchettano tre chissà
se femmine o maschi o misti
così da formare triangoli amorosi.
E volano via e tornano tornano
davanti agli occhi di me prigioniero
volontario nell’alto appartamento…
Non torneranno più poi che si sono saziati
di un miele amaro e vincitore.
Attilio Bertolucci, Verso le sorgenti del Cinghio, Garzanti Editore, 1993, pagina 43.
ANNIVERSAIRE
Illa mihi sedes, illic mea carpitur aetas.
Catullo
Le cyprès, au cours d’un rude hiver
dans ces contrées, désormais incertain
dans la mémoire, s’est desséché,
aujourd’hui des parasitaires le recouvrent ―
il vit la dernière saison
de l’année et de la vie ―
le lierre et l’ampélopsis.
Des vrilles et des festons verts et rouges vif
que des pigeons d’argent aux reflets bleus
picorent : trois peut-être
mâles, femelles ou l’un et l’autre
pour former des triangles amoureux.
Puis ils s’envolent et reviennent, reviennent
devant mes yeux de prisonnier
volontaire dans cet appartement élevé…
Ils ne reviendront plus, une fois rassasiés
d’un miel amer et vainqueur.
Attilio Bertolucci, Vers les sources du Cinghio in Po&sie 109, Trente ans de poésie italienne, 1975-2004, Éditions Belin, 2004, page 89. Texte traduit par Yannick Gouchan.
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Verdier) une bio-bibliographie écrite par Bernard Simeone
→ (sur YouTube) un hommage (en italien) à Attilio Bertolucci à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète, en présence de Giuseppe et de Bernardo Bertolucci (Festivaletteratura di Mantova 2011, INEDITA ENERGIA, Omaggio ad Attilio Bertolucci, sabato 10 settembre 2011 alle 11:00, Palazzo Ducale)
→ (sur Terres de femmes) Anna Toscano ou De l’art de la fragmentation
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