Magazine Journal intime

Enfumés !

Publié le 29 février 2008 par Stella

Nous nous sommes fait enfumer, résultat : nous sommes enfumés.

Je m’explique.  

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Depuis qu’il est interdit de fumer dans tous les locaux collectifs, de l’entreprise au café du Commerce, nos amis fumeurs sont contraints d’aller s’en griller une sur le trottoir. N’avez-vous par remarqué que, depuis cette stupide loi, il n’est plus possible de marcher tranquillement dans Paris sans aspirer un peu de la clope du quidam qui vous précède ? Alors qu’autrefois il était plutôt vulgaire, pour une dame, de fumer dans la rue, aujourd’hui les malheureuses n’ont plus que cette solution pour inhaler un peu de nicotine et beaucoup de goudron.

Dans une vie antérieure, j’étais fumeuse. Vers la fin de mon parcours, je bombardais allègrement mon paquet de Craven A sans filtre dans la journée, ce qui représentait une légère progression par rapport à mes débuts, lorsque j’hésitais encore entre les Rothmans bleues, les Phillip Morris (paquet marron, comme mon oncle) et les Lucky Strike (parce que le logo dessiné par Raymond Loewy est génial). L’heure était à la détente et la cigarette ne faisait de trous que dans les tissus, pas dans les budgets.

A l’époque, j’essayais en général de faire quelque effort pour ne pas commencer trop tôt le matin, la première cigarette ayant toujours plus ou moins le goût du condamné. Désormais, je commence dès 8 h et demi, sur le trottoir du boulevard Malesherbes où la sortie du métro Villiers déverse des quantités de fumeurs-du-matin-chagrin. J’enchaîne rue de Téhéran et je termine rue de Lisbonne, où l’on trouve aujourd’hui plus de mégots de cigarettes que de crottes de chien. C’est dire.

Quand je pense que le printemps arrive… Les merles moqueurs, heureux, s’époumonnent à nouveau, perchés sur les cheminées parisiennes. Les cheminées humaines s’arrachent les poumons avec délectation dans la rue, heureux de ne plus se les geler (les mains) et pleins de la belle espérance des beaux jours à venir. Ils auront peut-être l’idée de descendre quelques tabourets du bureau, histoire de faire convivial et s’asseoir un instant. Quelqu’un pensera sûrement à apporter des gobelets de café, afin de joindre l’utile à l’agréable. Et si on installait une petite table, pour ne pas tout renverser ? Tiens, j’ai pris un cendrier, ça va éviter de mettre plein de mégots partout. Et s’il pleut, il faut une petite tente, pour abriter tout ça. Tiens, c’est Léon le gardien de l’immeuble, qui va en être responsable. Contre quelques euros, il installera le matériel.

Vous voyez le tableau ? Dans peu de temps, les fumeurs auront réinventé le bistrot. Et nous ? Alors qu’auparavant on pouvait choisir d’y aller ou pas, selon notre degré d’acceptation de la fumée des autres, nous vivrons désormais dans un gigantesque fumoir, sans possibilité d’y échapper. A moins d’aller au bistrot. Quand je pense que les habitants de la Bastille, épuisés par des nuits sans sommeil à cause des fumeurs installés sous leurs fenêtres, songent à déménager, je me demande bien où ils vont aller. Au troquet, eux aussi ? Allez, buvons. Pour oublier.


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