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Humain, trop humain ?

Publié le 19 novembre 2011 par Sophielucide

Elle pleurait tout en s’écriant : «  j’ai deux larmes qui coulent là, mais c’est simplement parce que j’ai bu …. Ne va pas croire….» ; elle passait une main sur ses larmes de crocodiles en poussant un petit rire et c’était encore plus terrible.  Ne pas croire quoi ? Qu’en buvant un verre de plus on serait enfin soi-même ? Qu’on se laissera aller à la détresse qu’on cache la plupart du temps, par politesse ultime venue dont ne sait d’où ?

J’en avais ma claque et bien au-delà encore de tous ces gens timorés, apeurés d’un rien, de tout.  Pire : d’eux-mêmes ! De l’image déplorable qu’ils pourraient laisser d’eux.  Une image déplorable, ça reste une image, non ? Qui aujourd’hui avait le culot de déposer l’infime trace de quelque chose, dont il n’avait pas à se réjouir peut-être mais qui était bien là, au plus profond d’eux même, un truc unique….Une image. A part les pochtrons, j’en voyais pas.

Chez les autres, ce qui se défendaient d’en être justement, de ces gens vils qui versent dans la tendresse qui s’en va toute seule le samedi soir,  le constat était bien pire. Ils s’accrochaient maintenant comme des crustacés à leur rocher ; et leur rocher ou leur hochet, (à vot’ bon cœur, m’sieur dame), c’était leurs valeurs !

Leurs valeurs, justement, prenaient l’eau de toute part. La crise financière était entrée si profondément dans les esprits bornés, qu’ils la prenaient sans vergogne comme bouc émissaire et cherchaient avec l’énergie d’un désespoir à  pleurer, une issue à leur intime désarroi.  Comme si deux ans auparavant tout baignait dans l’huile frelatée du conte qu’ils se lisaient. Comme s’ils n’avaient rien vu venir. Comme si la déroute n’était pas inscrite dans leurs gènes.

Les plus naïfs d’entre eux attendaient mai 2012 comme on prie le Messie.

Tout le monde n’avait qu’un seul mot à la bouche, comme tous les cinq ans, le mot changement.  Ces gens, bien éduqués, normalement informés persévéraient à croire en l’utilité d’un vote, prémisse d’une nouvelle ère dans laquelle la solidarité prendrait enfin sa place, où le partage aurait un sens, où l’intérêt général entendrait le bonheur de chacun.

Il y avait bien un homme qui disait un peu trop haut, ce que tous les sosos n’osaient plus espérer. Mais, faut dire que cet homme-là ne semblait pas assez poli vis-à-vis des journalistes à l’affût de l’image qu’ils avaient eux-mêmes crée, on en avait fait une jolie caricature que tout le monde aimait bien secrètement  sans vraiment prendre au sérieux ce qu’ils prenaient pour utopie ;  tous ces gens formatés à « voter utile » ne comprenaient rien à un projet tout simplement humain. D’ailleurs, ce programme était louche : « l’humain d’abord», quelle idée !

Ils s’en remettaient, plutôt passivement,  à un homme, certes bonhomme, providentiel ; l’homme du sérail, programmé pour gagner contre un nabot dont on avait tort de ne plus se méfier.

Celui qu’on aimait bien de loin mais à qui on ne pardonnait aucun jeu de mots, aussi lucides soient-ils, concentraient des idées sur lesquelles on avait déjà posé la croix du défaitisme ; c’est que c’était trop beau, irréel donc irréaliste. Quoi ? Le pays des Droits de l’Homme renouant avec son rêve de justice et de liberté ? Enfin ! Soyons sérieux et pensons gestionnaire ! Calculons bien petit, même si nous avons déjà inclus dans nos cerveaux décérébrés que rien n’y changerait. Qu’il ne fallait miser que sur la crédibilité et non pas un rêve partagé. Un rêve ! Est-ce bien raisonnable ? Cherchait-on à lire en profondeur un programme économique, Généreux ? Même pas, on s’en tenait à ce que les média racontaient et les media n’avaient qu’un mot à disposition sur leur clavier, le mot atroce, le mot tabou, le mot honnis : le Populisme ! Un mot qui heurtait les oreilles sensibles, celles-là même appréciant l’opéra ou la grande musique, pas la variétoche des assistés !

Des assistés qui se trouvaient autour de moi,  aucun n’avait sa carte d’électeur. Aucun ne pensait qu’il pouvait peser d’un iota dans un jeu qui se jouait sans eux depuis des lustres. Partout, on se heurtait au principe totalement fallacieux d’une culpabilité, mal située mais déjà légitimée. Il fallait bien payer, accepter plus de taxes,  pour lire dans le cabinet d’un généraliste, dont la porte était maintenant verrouillée et commandée par caméra, les potins vieux de six mois des gens qui s’en sortaient. C’était un autre rêve, à portée.

Des larmes qui coulaient maintenant, je ne voyais aucune raison de les cacher.


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