Mes très chers frères, mes très chères sœurs,
C’était l’événement de la rentrée sur Canal +. Une production franco-allemande traitant d’une famille habitant Rome à la fin du XVème siècle dont le patriarche aspire à devenir pape. Connaissant la chaine câblée, l’objectif n’était pas de ramener les brebis égarées sur les bancs de l’église. Et effectivement, le pape en question est un sacré personnage.
Rodrigo Borgia, immigré espagnol devenu cardinal et vice-chancelier sous le pontificat d’Innocent VIII , va devenir le pape Alexandre VI suite à la mort de celui-ci. Jusqu’ici, tout va bien. Encore faudrait-il préciser que ce pape est parmi les rares dont le Vatican a ouvertement honte. « Borgia » est un nom qui évoque le pouvoir, la corruption et la luxure. Cette famille est connue pour être profondément débauchée. On en a l’eau à la bouche ! La série ne se focalise donc pas uniquement sur l’accession du cardinal Borgia au trône de Saint-Pierre et sur les premiers conflits diplomatiques auxquels va être confronté le nouveau pape. Les trois enfants turbulents du pape sont également au premier plan. On retrouve Juan le pervers sexuel qui a un poil dans la main, l’ambitieux Cesare à l’âme torturée, et la candide Lucrezia.
Pour éviter de tomber dans une fiction plate et poussiéreuse, la production a fait appel à une personnalité marquante de la télévision américaine : Tom Fontana, le créateur de « Oz », série trash explorant l’univers carcéral de manière très violente. Le pari est audacieux et se révèle payant : les personnages sont profonds et ambivalents (obsédés, manipulateurs, faussement pieux, torturés), les stratagèmes du pape feraient pâlir les candidats de Koh-lanta et certaines scènes sulfureuses voire choquantes (viols, incestes) montrent que Fontana n’a pas perdu sa verve provocatrice.
Au-delà de l’aspect blasphématoire de cette fiction, c’est une illustration de la faiblesse et de l’égoïsme de l’homme, qui préfère le pouvoir et les plaisirs terrestres à un amour exclusif pour le Seigneur, et privilégie les manœuvres politiciennes au bien-être de sa famille. Borgia est une fiction classe et exigeante qui explore les sphères les plus sacrées autant que les pulsions les plus profanes. Ainsi, le fond est moins provocateur qu’universel. Cependant, quelques points empêchent le sans-faute et la critique élogieuse : le scénario est un peu flou et complexe au début, les noms fusent dans tous les sens sans comprendre à qui ils sont reliés. Et le personnage de Lucrezia est à la limite de l’overdose de niaiserie avant de pencher vers le côté obscur.
Ce pari osé est remporté au niveau artistique, les audiences montrent qu’il a soulevé l’adhésion du public : 1,6 millions de téléspectateurs le premier soir (un record pour une série sur la chaîne) et 1,4 pour les derniers épisodes de la première saison. La série s’assure probablement une deuxième saison avec des audiences honorables également en Allemagne.
Canal + a rassemblé autour de l’Église : les miracles existent !
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