Lors d’une balade nocturne vers Château Rouge, à Paris, il...

Publié le 21 novembre 2011 par Fabrice @poirpom

Lors d’une balade nocturne vers Château Rouge, à Paris, il arrive que des ombres se détachent parfois des portes cochères et sifflent dans la nuit.

Sub-sub-SUBUTEX!

De même, traîner dans le Bairro Alto, à Lisbonne, quartier haut-perché sur l’une des collines de la ville, zone de choix pour une sympathique beuverie, peut exposer le promeneur au chant des loulous des coins de rue. Des autochtones jogging-baskets, vissés aux murs, équipés de détecteurs de proximité. À moins de trois quatre mètres d’eux, leur sirène se déclenche.

Haschisch!

Un son bizarre. Comme un hurlement chuchoté. Selon le hochement de tête du promeneur, ils se ventousent à lui ou s’attaquent au suivant.

Parigot ou lisboète, le mec vend un produit local, sous le manteau. Chacun son truc pour survivre.

À Caracas, il y a le mec de la douane qui tripote et renifle les passeports avec insistance. Une tête de mort sur pattes. Lui et toute sa petite famille derrière les guichets sont des vrais coussins péteurs percés.

Plus loin, les tapis roulants dégueulent les bagages. Au milieu de ce hall, un gros poteau carré en ciment. Sur lequel un panneau accueille les voyageurs.

Patría socialismo o muerte

Chargés comme des mules péruviennes, les voyageurs passent les portes automatiques en verre pour accéder au hall des arrivées. Et là, c’est aussi une chouette ballade. Des dizaines de muchachos déambulent. Équipés de détecteurs de voyageurs. Pas bien compliqué dans un aéroport. En passant à quelques mètres d’eux, leur sirène se déclenche.

Cambio. Buen Cambio. Dólares, Euros. Buen cambio.

Une brochette de rabateurs trainent, espérant pêcher du touriste en mal de devises locales - impossible à obtenir en dehors du pays. Et proposent à qui veut d’obtenir des bolivares - ladite monnaie. Et à un meilleur taux de change que celui - fixe - imposé par le gouvernement - Patría socialismo o muerte. D’où ce marché parallèle très développé, totalement illégal, source d’arnaques par paquets de mille.

JOU-JOU

POIRPOM

Coups de marqueurs sur une feuille de papier blanc coincée sur un bouton de chemise et posée sur sa bedaine XXL. Le chauffeur que Jou-Jou nous a dégotés pour filer à l’hôtel en arrivant. Bonne gueule, un bon mètre quatre-vingt quinze, le mec est du genre à ouvrir le chemin sans sourciller.

Cambio? Síííí, conozco a un chàmo que lo hace a un buen precio…

Et le lascar qui va se charger du change est l’un des gars de la sécu du hall des arrivées. Il sort une liasse de biftons de sa poche, compte rapidement, distribue, récupère les euros, remercie et reprend sa vie. Là, dans le hall.

Taux officiel: moins de 6 euros pour un bolivar. Taux pratiqué par le vigile: 10,5 pour 1.

Direction l’extérieur. Via d’autres portes automatiques en verre. Qui s’ouvrent sur un air asphyxiant. Étouffant. Chargé d’humidité. Non conditionné. Et déjà peint en noir.

Il est dix-neuf heures. La petite laine et le vieux cuir, reliquats du pèle-cul parisien, deviennent des ennemis face à la trentaine de degrés ambiants. Quelques minutes plus tard, calé dans le 4x4 sombre, vitres teintées, portières verrouillées, il faut se peler comme un oignon pour atteindre le t-shirt, seul vêtement compatible avec le climat.

Premier contact avec la ville à 130km/h, puis au pas, puis à 130km/h, au pas encore, pleine balle à nouveau, le dépassement sur la droite semble toléré, les deux roues remontent les files à toute blinde en klaxonnant comme à un mariage, tous, tout le temps, avec insistance, partout autour des 4x4 par centaines, des bandes d’arrêt d’urgence et des zébras qui deviennent des voies de circulation si les gens l’estiment nécessaire, sur la chaussée des nids de poule de la taille de cercueils, des flaques d’eau qui seraient des étangs en forêt de Fontainebleau, tout est flou, tout scintille, l’autoroute s’engouffre dans la ville et la taille en deux, le merdier se compresse encore plus dans les rues, des minuteurs géants à côté des feux tricolores préparent au top départ, Altamira et son obélisque apparaissent, le 4x4 remonte, prend à gauche et s’arrête, enfin.

Hotel the VIP Caracas

Des réceptionnistes déguisées en déco de Noël, une piaule sur rue donc bruit au premier étage, un lit king size, quatre oreillers, six coussins, un écran plat XXL, un coffre fort à code, du gel douche du savon du shampoing un kit couture et un bonnet de bain disposés sur une coupelle entre les deux lavabos design, le tout pour un tarif par nuit en parfaite adéquation avec les accessoires. Exorbitant.

Dans trois jours maxi, faut qu’on dégage. On tiendra jamais sinon.

Dans les toilettes, la dernière feuille du rouleau de papier est repliée en éventail.

Bienvenue à Caracas.