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Tropa de elite

Publié le 21 novembre 2011 par Acrossthedays @AcrossTheDays

TROPA DE ELITE

Il y a quelques années, j’avais regardé un documentaire sur une unité spéciale de la police de Rio, dont les méthodes été connues pour être plutôt musclées. J’étais gosse, donc je me souviens plus trop du contenu du documentaire, si ce n’est une séquence qui, allez savoir pourquoi, est restée dans ma mémoire : avant de partir dans les favelas, le chef de l’unité réunit ses hommes a l’écart des journalistes et leur fait un petit discours dans un patois local (pour que les journalistes ne puissent pas le comprendre) qui peut se résumer à « Bon, on a des journalistes avec nous, alors on fait pas comme d’habitude, on y va mollo hein ». S’en suivait ensuite des opérations très impressionnantes et assez violentes mais qui restait -plus ou moins- légales. Cette séquence m’est revenue en tête en regardant « Tropa de Elite ». Parce qu’au final, ce film, c’est simplement ce qui se passe quand la police de Rio n’y va pas « mollo ».

1997, Rio de Janeiro. Le pape doit faire une visite dans trois mois et a annoncé qu’il dormirait dans une des favelas de la ville. Le ministre de l’intérieur charge donc la BOPE de sécuriser les lieux avant l’arrivée du pape. La BOPE, c’est le Bataillon des Opérations Spéciales de la Police, l’unité spéciale de la police militaire de Rio : ultra entrainée, sur-armée et surtout non corrompue, l’unité mène une véritable guerre aux narcotrafiquants sans se soucier de questions de moralité ou même de légalité. Dans le même temps, le capitaine Nascimento veut quitter l’unité pour pouvoir élever son fils, mais refuse de le faire tant qu’il n’aura pas trouvé son remplaçant. Le film va donc le suivre lui ainsi que deux aspirants policiers, Neto Gouveia et André Matias, qui vont devenir les deux meilleurs candidats à la succession de Nascimiento.

Quel est le thème principal de Tropa De Elite ? Difficile à dire. Le film traite pêle-mêle de la corruption des officiers de police, de l’hypocrisie des ONG qui se font protéger par les narcotrafiquants, de la névrose du capitaine Nascimiento et de la montée en puissance progressive de Neto et André. Cette profusion d’histoires est d’ailleurs le seul point faible d’un film qui n’a forcément pas le temps de tout traiter. A ce titre, l’évolution du personnage d’André Matias,  au départ un étudiant en droit idéaliste et pacifique,  est un peu décevante parce que beaucoup trop brutale. Je n’ai d’ailleurs pas pu m’empêcher de penser que le film aurait gagné a être une série, car toutes ces histoires auraient pu être traitées de manière bien plus profondes. Mais cette « faiblesse » a aussi un avantage, qui est de décrire avec brio le chaos d’une ville débordée de partout.

Malgré le grand nombre d’histoires, Tropa de Elite a un fil conducteur : les opérations de la BOPE au cœur des favelas. Ces séquences suffisent à faire comprendre qu’on est avant tout en face d’un film d’action : c’est extrêmement violent, sans la moindre concession, avec une réalisation ultra percutante et des méthodes qui n’ont rien à envier aux pires mafias. La BOPE est en guerre, et elle considère qu’elle a le droit de faire a peu près n’importe quoi pour la gagner. A ce titre, il y a un évènement récurrent dans le film mais qui ne perd jamais en impact, c’est la torture de narcotrafiquants supposés à l’aide d’un sac plastique. Les hommes de la BOPE le pratiquent tout le long du film comme une méthode basique pour faire parler quelqu’un, et la banalité du geste a même tendance a en accroitre la violence.

Mais le fait est que cette violence de la part de la BOPE n’est jamais justifiée dans le film. D’ailleurs, j’en profite pour cracher un peu sur les critiques qui ont vu ce film comme une œuvre fasciste, d’extrême droite ou comme « une apologie de la force pure et de l’impact maximal » (je cite Le Monde). Tropa de Elite est un film extrêmement pessimiste, qui tape sur absolument tout le monde. Mais si la BOPE est parfois présentée comme une solution possible, toute la dernière demi-heure consiste pour Nascimiento en une vengeance sanglante et complètement aveugle, ou les moyens n’ont plus la moindre importance. Comment on peut  affirmer que ce film consiste a « ériger le mythe de la BOPE » (toujours Le Monde), alors qu’un moment nous montre un officier de l’unité torturant et exécutant une femme juste après avoir promis a son amie de ne pas lui faire de mal ? Parce que le film à l’outrecuidance de critiquer aussi les ONG ? Parce que, ô scandale, il montre que les opérations coup de poing pratiquées par l’unité peuvent parfois être efficace ? Je ne sais pas, personnellement ça m’a paru clair que, malgré une certaine efficacité a court terme, l’action du BOPE participe aussi a une spirale de  violence presque impossible a arrêter. Pas besoin d’être un génie pour comprendre ça.  Allez, je cite aussi Libération parce que c’est vraiment trop beau : « A ce niveau de connerie en barre, il n’y a manifestement plus de pilote dans l’avion, et Troupe d’élite se termine ainsi, en hachis parmentier mental pour tous les nostalgiques des dictatures sud-américaines. » Je ne sais vraiment pas ce que fument ces journalistes ni a quel moment du film ils ont pu voir cette « nostalgie des dictatures sud-américaines », mais faut arrêter les conneries. Tropa de Elite est un film brillant qui montre une facette des favelas que même le célèbre (et génial) « La Cité de Dieu » ne nous avait pas révélé.
Les deux films sont d’ailleurs souvent comparés, et même si il y a effectivement beaucoup de similitudes au niveau de l’environnement (les favelas quoi) et de la réalisation, Tropa de Elite est tout de même beaucoup plus sombre, et au final beaucoup plus triste.

TROPA DE ELITE

Tropa de Elite a été diffusé dans 4 salles parisiennes en France. C’est injuste, d’autant que le film a rencontré un succès immense au Brésil (plus gros succès pour un film brésilien), au point de devenir un véritable phénomène culturel. Quand a sa suite (apparemment encore meilleure), sortie l’année dernière au Brésil, elle n’est toujours pas arrivée en France. Je ne chercherais pas à comprendre la logique des exploitants cinématographique, mais je peux vous encourager a regarder cette œuvre grandiose. Et heureusement pour nous, il existe d’autres manières de regarder un film que de passer par le cinéma.


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