Je réponds là à un article lu sur rue89 et qui m’a paru particulièrement… banal, insipide voire volontairement provocateur.
Galère d’une autoresse
Je suis étonnée de lire sur ce site un témoignage aussi vide. Il n’y a là rien que de très courant : les déceptions de tous les aspirants-auteurs sur le chemin tout tracé par les maisons d’éditions françaises, le même chemin qu’on suivit des milliers de personnes ces dernières années et dont les mêmes témoignages pullulent sur la toile. Posté sous pseudo qui plus est, c’est là un marronnier (comme dirait les journalistes) qui n’en peu plus de perdre ses feuilles (et oui, c’est l’automne). J’aimerais vous apporter un témoignage différent.
Je suis auteur, sans e, sans fioriture ou extravagance orthographique. Je suis une auteur, encore jeune puisque je n’ai pas trente ans. Je suis une femme, j’ai écris plusieurs romans, j’en ai publié quelques uns et je suis lue.
Je me suis donnée les moyens d’arriver à mon but : vivre du métier d’écrivain. Je n’y suis pas encore, le chemin est long. Mais j’ai un but et je compte bien y parvenir.
En quoi ces moyens consistent-ils ? A écrire, encore et toujours. A écrire avant tout. Pas dans l’unique but d’être publiée par une maison d’édition ou de me faire arnaquer par un compte d’auteur avec le mirage d’être rangée dans les rayonnages de la bibliothèque (nationale de France, la seule où les petits auteurs ont la chance de pouvoir être oubliés en toute légalité)
Cela consiste également à innover, à chercher comment atteindre un public de lecteurs, à lui plaire et qu’ils me conseillent à leurs amis pour que le cercle s’agrandisse petit à petit. Cela ne se fait pas sans mal. Être auteur de nos jours n’est pas facile, soyons lucide : les gens consomment les livres plus qu’ils ne les lisent. Je ne suis pas de celle qui annonce sentencieusement que les gens ne pratiquent plus la lecture comme au bon vieux temps. Il y a toujours eu des gens qui ne lisaient pas, la proportion augmente peut-être, mais les lecteurs, eux, sont toujours là : ils changent juste d’habitude et de supports. Blogs, ebooks, internet sont autant d’endroits où la littérature vit et où les auteurs peuvent s’exprimer. A ces derniers de savoir les utiliser pour en faire une activité rémunératrice. Ah mais non, j’oubliais : l’écrivain est un être désintéressé qui ne fait cela que pour la gloire et la reconnaissance posthume. C’est vrai, écrivain, ce n’est pas un métier.
Et pourtant, je suis écrivain, c’est mon métier : aujourd’hui, je vends mes livres, je suis lue. Un jour, je vendrais suffisamment pour payer le restaurant à ma famille une fois par mois. Un jour, certainement plus lointain voire incertain, je pourrais sans honte dire que je participe aux frais du ménage. C’est peu, certes, mais ne considérez pas qu’un auteur édité gagne beaucoup plus, c’est une illusion.
Je n’ai pas cherché à entrer dans un système d’accointances et de déceptions : les maisons d’éditions classiques ne lisent plus les manuscrits, ne publient plus que par copinage, ne s’intéressent qu’aux auteurs parisiano-centrés. Tout le monde sait cela, pourquoi m’engager sur une voie forcément décevante ? Il y a tellement d’autres chemins possibles : on choisit sa vie, on la cherche parfois longtemps, on se trompe, on erre un peu et, un jour, on se dit qu’il y a un autre moyen de faire.
Je suis auto-publiée. Non, je ne suis pas passée par le système du compte d’auteur, cher et inefficace. Je suis passée par ce que m’offre le progrès: la publication à la demande et le numérique.
Le numérique surtout, qui me permet de publier des textes régulièrement, de tester, d’apprendre, de rencontrer les gens. J’ai découvert le crowdsourcing que je pratique avec assiduité. J’ai découvert les licences libres et les systèmes de rémunération alternatif (don, achat volontaire, publicité…) Bref, j’ai trouvé les moyens de faire le métier que je souhaite : écrivain.
Il ne suffit pas d’écrire un livre pour être auteur. Ce qui fait l’écrivain, c’est l’écriture : le fait de travailler un texte, puis un second, un troisième. Les réécrire, les corriger, les relire… Et écrire encore et toujours. Je ne me plains pas : je m’auto-publie parce que je sais que ce que j’écris n’est pas mauvais. Je le sais parce que des mauvais textes, j’en ai écrit ! Je le sais parce qu’à force d’être rigoureuse avec moi-même, lucide aussi, j’ai fini par savoir ce que valait un texte. Je le sais parce que j’ai appris : au contact de mes lecteurs, au contact de l’écriture.
Je n’attends rien des maisons d’éditions. Leur système ne me permettrait pas de vivre : la publication annuelle d’un livre unique, vendu à quelques milliers d’exemplaires dans le meilleur des cas ? Un mois de SMIC par an, si j’ai de la chance. A moins de devenir un auteur à succès, mais c’est une utopie de penser y parvenir juste parce qu’on a écrit un seul texte qu’on pense bon.
En inventant mon chemin, je sais que je n’ai pas de limitation absurde d’un roman par an, que je peux publier des textes très courts qui n’intéresseraient pas les maisons d’éditions, que je peux réagir rapidement aussi. Je n’ai certes pas la visibilité des auteurs édités… mais quelle visibilité quand les librairies sont sans cesse inondées de nouveautés ? En numérique, mes livres sont à égalité avec les autres et je ne m’en sors pas trop mal.
Je viens de publier mon second roman « papier ». C’est le 8ème livre que je publie. Parce que je suis écrivain, que ce n’est pas aux éditeurs de décider de mon statut, c’est juste à moi de prouver que je le mérite.
Et aux lecteurs de juger.