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Bernard Noel, La pornographie (extrait 3)

Publié le 26 novembre 2011 par Xavierlaine081

Notre société permet tout ce qui ne la dérange pas. Si ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui et s’il y a crise, c’est que l’intérêt immédiat des hommes du pouvoir est en contradiction avec les valeurs qui fondent leur pouvoir. Il leur faut, par exemple, favoriser la consommation, qui les enrichit, au détriment de la morale, qui les légitime. Pour la première fois, le pouvoir s’établit sur la confusion et non plus sur l’ordre. Il s’ensuit un mensonge généralisé, dont la langue est malade. La permissivité actuelle autorise à tout dire parce que tout ne veut plus rien dire. La parole devient inoffensive par privation de sens. L’écriture connaît la même privation sous ses formes normalisées : publicité, journalisme, bestsellers, qui passent pour de l’écriture et qui n’en sont pas. L’ancienne censure voulait rendre l’adversaire inoffensif en le privant de ses moyens d’expression ; la nouvelle – que j’ai appelée la sensure – vide l’expression pour la rendre inoffensive, démarche beaucoup plus radicale et moins visible. Un bon écrivain est un écrivain sensuré. Tout ce qui médiatise censure.


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