Communiquons moins

Publié le 01 mars 2008 par Laurent Matignon

Petit laid


Chapitre 27
Je suis las. Si las que je me demande si je ne viens pas d’inventer une définition du malheur. C’est un état d’esprit plutôt désagréable et qui a ceci de vicieux qu’il s’auto-entretient ; il possède une vie propre. Quand il m’arrive de traverser une période de profonde lassitude, sans en être conscient sur le coup, et que je remonte ensuite la pente suffisamment haut pour réaliser ce que je viens de vivre, j’éprouve une joie si pure qu’elle me semble être la seule forme de joie noble et digne. Le bonheur n’est après tout qu’un sentiment relatif, qui n’a aucun sens dans l’absolu, puisqu’il se définit par rapport à une absence, un manque, un vide.
L’être et le néant. Le bonheur et le malheur.
Ou peut-être l’inverse.
On qualifie ainsi un couple d’« harmonieux » en cas d’absence de querelles et de disputes à répétition. Mais un autre couple, complice tout en étant conflictuel, n’aura pas ce privilège. Bien des hommes et des femmes vivent ensemble et se croient heureux et épanouis tout simplement parce qu’ils ne communiquent pas. J’ai connu tant de cas où les deux prétendus tourtereaux n’avaient en commun qu’un impérieux besoin d’être accompagné. Et des mamours et des bisous à partager. Oh, il ne fait aucun doute qu’ils sont très amoureux l’un de l’autre ! Regarde donc comme ils se regardent, se touchent, se tripotent, se lèchent même ! Comment pourraient-ils faire preuve d’une telle ardeur et d’une telle application sans être viscéralement amoureux !
Ils vont si bien ensemble qu’ils n’ont même pas besoin de se parler.
Pardi ! Moi-même je trouverais sans doute moins de points de désaccord suite à une discussion quelconque avec un militant gauchiste marxiste-léniniste à tendance comiquo-révolutionnaire que la plupart de ces couples de vitrine.
Mais bien souvent, tout compte fait, les deux conjoints en retirent quelque chose de positif. Ils trouvent en effet dans le regard de l’autre une raison d’être. De quoi occuper leur esprit. Et surtout un incomparable moyen de lutte contre l’ennui. Puisqu’ils ne font et n’entreprennent quoi que ce soit qu’avec l’autre et/ou avec sa bénédiction. Si bien que, rapidement, ils ne font rien d’autre qu’ETRE avec le conjoint.
Exister.
Sans parler. Sans agir. Sans vivre.
Afin d’éviter tout conflit, algarade et autres explications.
A l’heure de l’écologie triomphante et de l’apologie de l’économie d’énergie, il est temps de se pencher sur ce modèle biologique encore méconnu. Et d’accepter cette évidence criante : il est possible et sans doute souhaitable de communiquer le moins possible si l’on veut aimer et être aimer.
« Pour vivre heureux, vivons cachés », nous dit-on. A cela je réponds aujourd’hui : « pour vivre heureux, vivons secrets ».

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envoyé par tony-olympien