Alors que je déambulais sans but, il y a de cela quelques nuits, je songeai à la perception que vous pouvez avoir de mon journal, et en vins à m'interroger sur la notion de preuve. Je vous livre ici mes quelques réflexions.
La plupart d'entre vous ne croient pas à l'existence des vampires; bien que certains nourrissent peut-être un doute, un abîme sépare le doute de la certitude. Le doute n'empêche pas de vivre. Pour vous, mon nom, ma personne, ma vie ne sont que des mots, une succession de lettres à qui votre imagination doit donner corps plutôt qu'une réalité qui s'impose à votre conscience sans votre participation.
Je me demandai donc comment vous réagiriez si je publiais une photographie de moi. Ou même -- soyons fous -- si je m'invitais sur un plateau de télévision pour le journal de vingt heures. Bien entendu, n'y comptez pas, pour les raisons que je présentais à stefan20. Continuez à croire que je n'existe pas, cela vaut mieux pour tous. Mais imaginons un instant que je le fasse. Comment réagiriez-vous?
Oublions les chasseurs de vampires, qui savent déjà à quoi s'en tenir au sujet de mes semblables, et probablement au mien également, et concentrons-nous sur mes simples lecteurs. Les sceptiques crieraient à la falsification, assurément, mais je suis persuadé que beaucoup verraient naître une suspicion que l'écrit seul n'autorise pas. Un simple croquis, en revanche, passerait pour une œuvre d'imagination.
Et pourtant, qu'est-ce qu'une preuve? Si j'énonce une proposition avec aplomb, comme le fait une publicité récente ou comme Rosaline l'attendait de moi en ce qui concerne la réalité de mon vampirisme, cela la rend-elle plus vraie? Si je publiais une photographie, pourquoi ne pourrait-il s'agir simplement d'un acteur grimé pour ressembler à un vampire? Pis encore, à l'âge des effets spéciaux, des images de synthèse, ou même des techniques de dessin photo-réaliste, quel crédit apporter à une simple image? (N'hésitez pas à me signaler d'autres réalisations qui vous paraîtraient plus troublantes encore; je les affectionne particulièrement.)
Au-delà de la crédibilité de mes affirmations se pose la question de la valeur d'une preuve, d'autant quand la technologie permet des illusions criantes de vérité. Qu'en pensez-vous? Jusqu'où devrais-je aller si je souhaitais vous convaincre de ma réalité? Et ensuite, accepter mon vampirisme suffirait-il à vous persuader de ma sincérité?