Magazine Journal intime

J’ai testé le monde des odeurs

Publié le 30 novembre 2011 par Anaïs Valente

Hier, je suis allée chez le véto avec le rat.  Rien de grave, rassurez-vous, ô chers lecteurs fous de ce petit (enfin, c’est subjectif) qui partage ma vie.  Visite de routine.  Entretien annuel.

En arrivant, étonnamment, je repère immédiatement que la salle d’attente est étrangement peuplée : au fond, quinze maîtres et maîtresses (d’animaux hein, je ne parle pas de pratiques SM), entassés avec leurs bestiaux, comme dans un wagon éponyme.  Au fond, l’autre, opposé, assise sur une chaise, entouré de deux chaises vides, une seule personne, à l’allure douteuse, un petit caniche qui fut un jour blanc sur les genoux.  Au milieu, moi, devant faire un choix cornélien : m’entasser au fond, me poser à l’autre fond.

N’ayant pas vraiment le choix, j’opte pour l’autre fond, où trône une chaise désespérément vide.

C’est en m’y installant que je comprends l’ampleur de la situation.  Ou plutôt l’odeur de la situation.  Un bref instant, je maudis tous les réfugiés d’en face pour ne m’avoir adressé aucune avertissement, les salopards.  Mais je suis assise, et je n’ai plus le choix.  Bien sûr, je pourrais prétexter un rendez-vous oublié et m’enfuir en courant, mais je suis une très mauvaise menteuse et, persuadée que mon « ooooooooooh non, j’ai totalement oublié mon détartrage / ma mise en plis / mon cinq à sept crapuleux / mon menu ok du Quick » d’un ton aigu sonnerait totalement faux.  Alors je reste assise, malgré l’odeur pestilentielle et indéfinissable.  Et surtout, malgré les propos du « charmant » monsieur à côté duquel j’ai eu malheur d’établir mon QG, qui s’adresse à son chien d’un ton plein de reproche « oui mon chéri, n’aie pas peur, je sais, je sais, tu as peur, je sais, elle est vilaine la dadame, mais n’aie pas peur, je sais, je sais, calme-toi, on était mieux avant mais ça va aller, allons allons, calme-toi, je t’aime ».

Oui, bon, ben si je dérange, vous pouvez partir, Monsieur Sac poubelle.  Monsieur Sac poubelle n’est cependant pas le surnom adéquat, je proposerais plutôt Monsieur Vieille odeur de pas lavé depuis deux semaines et de fringues qui n’ont plus connu la machine à laver depuis la dernière guerre et de caniche en grève de toilettage. Là, c’est plus adéquat.

J’en suis à tenter de trouver une solution pour me boucher le nez en toute discrétion et refréner les nausées qui m’assaillent, lorsque la porte s’ouvre.

Entrent deux femmes et deux grands chiens baveux ayant sans doute atteint un âge canonique en calculs canins.  Tous se déplacent difficilement et décident donc de se réfugier près de moi, sur la seule chaise encore disponible, de l’autre côté de Monsieur Vieille odeur.  Je tente de leur jeter des regards lourds de sens (sens = enfuyez-vous tant qu’il en est encore temps), en vain, je ne reçois que des regards bovins en retour.

L’une des dames, sans doute la plus jeune, invite l’autre à s’asseoir, tandis qu’elle reste près de la porte, pour une raison que je comprends rapidement vu la nouvelle odeur ayant envahi les lieux : elle a la clope au bec.  C’est bien parce que ça fait déjà dix minutes que je supporte tout ça, sinon, tant pis pour ma voix aigue de menteuse, je me la jouerais détartrage / mise en plis / cinq à sept crapuleux / menu ok du Quick.  Non, mais, sérieux, c’est quoi ces gens ?

Mais je prends patience car un jour, je le sais, je le sens, ce sera mon tour, et celui du rat, et nous échapperons à cet enfer pour rejoindre notre gentil véto d’amour.

En attendant, je profite de ce nouvel avantage : la puanteur de tabac neutraliserait presque la vieille odeur de pas lavé.  J’ai bien dit presque.  Mais un presque qui n’est pas un tout à fait, et moi, je sens la nausée m’envahir de plus en plus.  Ce serait tout de même malvenu d’ajouter cette nouvelle odeur, me dis-je.

Alors, au bout de quelques minutes supplémentaires, je regarde ma montre sans discrétion, je prends ma voix de fausset et je m’écrie « oh, non, déjà cette heure-là, pas le choix, je dois partir pour mon  = détartrage / ma mise en plis / mon cinq à sept crapuleux / mon menu ok du Quick » (afin de préserver l’identité des protagonistes et la mienne, le réel prétexte a été tenu secret), et je m’enfuis en courant.

Une fois chez moi, j’ai la sensation que les odeurs me collent encore à la peau de façon effroyable.  Elles sont sur mes fringues, dans mes cheveux, dans mon nez, qui va pourrir et se liquéfier, ne pouvant supporter un tel affront.  Je jette alors toutes mes fringues dans la machine à laver et je me jette sous la douche, tandis que le rat se roule dans la sciure, pour évacuer lui aussi les odeurs, à moins que ce ne soit de joie d’avoir échappé à son entretien annuel.

Et un super dessin de Fanny pour immortaliser la scène.  Son blog plein de jolies choses, il est iciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.

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